Entre sécheresse en 2022 et inondations en 2024 : le contraste exceptionnel en l'espace de seulement deux ans
Après une année 2022 historiquement sèche, la situation pluviométrique s'est totalement inversée en seulement deux ans, à cause des pluies incessantes sur le territoire depuis la fin de l'année 2023. Comparatif de la situation de sécheresse en 2022 face à cette année 2024 très pluvieuse.
Alors que cette année 2024 n'est pas encore achevée, la plupart des villes ont déjà dépassé leur moyenne de précipitations annuelle.
Les nappes sont à un niveau très élevé sur la plupart des régions, les agriculteurs peinent à semer, car les sols sont saturés, et les inondations sont nombreuses. Pourtant, il y a seulement deux ans, c'était tout le contraire avec une sécheresse historique en 2022. La Chaîne Météo vous propose une comparaison saisissante de ces deux années inversées.
Retour sur une année 2022 historiquement sèche
Si l'année fut surtout marquée par ses épisodes de chaleur et ses canicules à répétition, la sécheresse a également fait parler d'elle à de nombreuses reprises.
À l'échelle nationale, 2022 s'est terminée avec un bilan hydrologique déficitaire de -22% en moyenne, qui s'explique en partie par la récurrence de conditions anticycloniques qui ont fait barrière aux perturbations atlantiques et aux pluies. On se souvient également de l'été, durant lequel les orages ont laissé la place aux vagues de chaleur et canicules.
Sécheresse en 2022 © LCM
C'est notamment près de la Méditerranée que le déficit a été le plus grand, avec un cumul annuel ne dépassant parfois pas la moitié de ce qui aurait dû tomber, comme à Bastia. En conséquence de ces précipitations très faibles, l'année 2022 fut marquée par une baisse drastique du niveau des nappes et par une sécheresse agricole importante, qui s'est poursuivie au début de l'année 2023.
Retournement drastique de situation en 2024
Une véritable rupture s'est créée à partir de la mi-octobre 2023, où la situation à grande échelle s'est inversée.
Les conditions majoritairement anticycloniques ont laissé la porte grande ouverte aux dépressions atlantiques, devenant récurrentes et de plus en plus nombreuses dès la fin de l'année 2023. Cette période humide a persévéré sur quasiment toute la France jusqu'à maintenant.
Et pour cause, cette année 2024 est pour l'instant la plus humide jamais enregistrée en France depuis au moins 1985, avec un cumul moyen de 932 mm (soit un écart de +25% par rapport à la normale). Cette situation est due, à l'inverse de 2022, à des flux perturbés beaucoup plus fréquents, mais également à l'arrivée de rivières atmosphériques depuis le début de l'automne, charriées par des ex-ouragans.
La première quinzaine de ce mois d'octobre est d'ailleurs remarquable avec des cumuls dépassant les 100 mm sur de nombreuses régions. L'épisode cévenol exceptionnel du 17 octobre a aussi apporté des cumuls très importants dans le sud-est.
Année 2024 très arrosée en France métropolitaine © LCM
Le Roussillon fait toujours office d'exception, avec un déficit encore marqué de -29% à l'heure actuelle. La géographie du Roussillon n'a, en effet, pas été favorable à l'arrivée de la pluie, puisque les perturbations atlantiques « passent à travers » en raison du relief pyrénéen.
Le Roussillon est en effet facilement "foehné", c'est-à-dire que c'est une région où l'influence du foehn, ce vent chaud et sec, se fait sentir. Ce vent descend des montagnes, après avoir déchargé son humidité sur les versants opposés, ce qui entraîne une hausse rapide des températures et une diminution de l'humidité dans les vallées ou les plaines situées sous le vent. Dans ce type de région, on observe donc un climat temporairement plus chaud et sec que dans les zones environnantes. C'est d'ailleurs le seul endroit de France métropolitaine où les nappes sont encore à un niveau trop bas. Partout ailleurs, elles ont rattrapé leur retard de 2022.
D'un extrême à l'autre : la faute au réchauffement climatique ?
Il est vrai que le contraste de pluviométrie de 2022 à 2024 est significatif et inédit en seulement deux ans.
Ces extrêmes pluviométriques peuvent s'expliquer en partie par le changement climatique qui accentue les périodes de sécheresse, ainsi que l'intensité des pluies torrentielles, telles que les épisodes cévenols (1).
De la sécheresse de 2022 aux inondations de 2024 © LCM
En effet, un air et des mers plus chaudes favorisent la teneur en vapeur d'eau dans l'atmosphère, avec plus d'humidité, et donc potentiellement plus de précipitations. Cet air plus chaud provoque une plus grande variabilité dans la répartition et dans l'intensité des précipitations. Cette forte variabilité peut conduire aussi bien à de longues périodes de sécheresse comme en 2022, qu'à des précipitations torrentielles ou abondantes comme durant cette année 2024.
Les conséquences de cette forte variabilité sont nombreuses, notamment pour le secteur agricole. Entre des terres trop sèches et difficilement cultivables en 2022, et des terres trop humides et saturées cette année, le secteur doit composer avec des aléas climatiques intenses qui s'enchaînent sur de courtes périodes. A titre d'exemple, la récolte de tournesols risque d'être catastrophique cette année, et ce n'est malheureusement pas la seule.
Alors que la France fait face à une année 2024 exceptionnellement humide, marquant un contraste saisissant avec la sécheresse historique de 2022, ces deux extrêmes illustrent la variabilité climatique accrue. L’impact sur les nappes, les cultures et les sols saturés en est la conséquence directe, rappelant que les aléas météorologiques deviennent de plus en plus imprévisibles. Le réchauffement climatique accentue ces phénomènes, entre sécheresses intenses et précipitations torrentielles, obligeant les secteurs, notamment agricoles, à s’adapter rapidement à ces changements brutaux.
(1) « Anthropogenic amplification of precipitation variability over the past century » (en anglais)