90 s pour le changement climatique : pourquoi les orages seront-ils plus violents avec le réchauffement climatique ?
Environ 16 millions d’orages se produisent chaque année dans le monde, principalement dans les régions tropicales et équatoriales. Les zones tempérées ne sont pas en reste. On observe en moyenne près de 478 000 impacts de foudre en France, répartis sur 240 jours de l’année, soit 2 jours sur 3. Chaque année, les orages causent des dommages significatifs sur les biens et les personnes. Nous allons aborder dans ce numéro l’impact du changement climatique sur les orages.
En matière de statistiques, nous avons peu de recul concernant les orages et impacts de foudre en France. Météorage ne les recense que depuis 1989. Sur la période récente 1989-2022, on n’observe pas d’évolution significative de la fréquence des orages en France. Météo France observe sur la période 1959-2020 une augmentation des pluies extrêmes en intensité, notamment sur les régions méditerranéennes.
Rappelons que la violence d’un orage dépend de plusieurs facteurs :
- un gradient de température important entre de l'air chaud au niveau du sol et de l'air froid en altitude
- une masse d'air suffisamment humide
- une énergie potentielle de convection disponible nommée "Cape" en anglais, qui décrit l'instabilité de l'air et correspond à des variations de vitesse et de direction du vent selon l'altitude.
- le cisaillement de vent qui correspond à des variations de vitesse et de direction de vent selon l'altitude.
- des déclencheurs permettant une ascendance de l'air : les reliefs, les zones de convergence du vent, les fronts météorologiques délimitant deux masses d'air.
Avec le réchauffement climatique, les masses d'air peuvent contenir davantage d'humidité
Selon une loi physique nommée relation de Clausius-Clapeyron, une atmosphère qui se réchauffe de 1°C peut contenir 7% de vapeur d’eau, et donc d’humidité supplémentaire. Le réchauffement climatique entraîne aussi une plus grande évaporation des plans d’eau et océans, une plus grande évapotranspiration des cultures agricoles et des forêts, ce qui accroit encore le potentiel d’une teneur élevée de vapeur d’eau dans l’atmosphère.
Le 6ème rapport du GIEC met en avant l’augmentation du risque de pluies extrêmes et d’inondations sous l’effet du réchauffement climatique. Les scénarios prévoient d’ici 2050 une hausse des pluies plus intenses, apportant des volumes d’eaux importants sur de courtes durées. Dans un scénario de réchauffement à +1,5°C, les précipitations décennales (c’est-à-dire qui se produisent actuellement une fois tous les dix ans) se produiront 1,5 fois plus souvent. Dans un scénario à +4°C, la probabilité de telle précipitation est 2,7 fois plus importante. Les dégâts occasionnés augmenteront à chaque niveau de réchauffement. Avec un réchauffement de 4°C, ils seraient 4 à 5 fois supérieurs à ceux correspondant à un réchauffement de 1,5°C.
Des températures de l'eau de mer plus élevées qui servent de carburant aux orages
On constate depuis quelques années, avec des vagues de chaleur plus nombreuses et plus intenses, des températures de la mer plus élevées sur nos côtes. La mer Méditerranée est particulièrement exposée aux remontées d’air très chaud venu d’Afrique du Nord.
L’été 2022 s’est placé au 2ème rang des plus chauds en France après 2003. Au mois d’août, la température de l’eau de surface de la Méditerranée a atteint des sommets dans les parages de la Corse avec 28 à 30°C. Cette eau tropicale a servi de carburant à une puissante ligne de grains orageux dans la nuit du 17 au 18 août. Elle s’est formée près des îles Baléares puis s’est déplacée rapidement vers le nord-est en touchant la Corse, l’Italie, la Slovénie, l’Autriche, puis la République tchèque en seulement 12 heures. Les rafales ont atteint jusqu’à 225 km/h en rafales en Corse, entraînant la mort de 12 personnes et blessé 106 autres, causant également d’importants dégâts matériels.
Dans un climat réchauffé, de plus en plus de pluies très intenses se produisent en peu de temps
Les pluies extrêmes étaient en France réservées aux régions méditerranéennes. Pour la première fois, un orage stationnaire a donné plus de 100 mm en une heure sur la partie nord-ouest de la France avec 107 mm (107 litres d’eau/m2) à Cossé-le-Vivien en Mayenne, dans la soirée du 18 juin 2024.
Avec des orages accompagnés de pluies de plus en plus intenses, la capacité d’évacuation de gros volumes d’eau doit être anticipé dans les aménagements des grandes agglomérations mais aussi en milieu rural où les coulées de boue et ruissellements peuvent faire de gros dégâts.