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Risque de gel en début de semaine prochaine : pourquoi la situation est guettée de près par le secteur agricole

Florent SCHINDLER

Par Florent SCHINDLER,
mis à jour le

L'hiver a été anormalement doux (+2 °C), avec des pics de chaleur dès la fin janvier-début février dans le sud. La menace de dégâts liée au gel de printemps pèse désormais comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête des agriculteurs en raison d’une végétation très en avance cette année.

La Chaîne Météo : Quel bilan tirez-vous de cet hiver doux et quels sont les impacts de cette douceur sur la végétation ?

Cyril Wuest : Il faut déjà remettre les choses dans leur contexte. Cet hiver météorologique 2023-2024 a été particulièrement doux, atteignant une anomalie thermique globale de +2 °C. C'est surtout le mois de février qui a été exceptionnel avec une anomalie qui a atteint +3,5 °C, ce qui le place en 2ᵉ position des plus doux depuis 1900 en France.

Février 2024 : le deuxième plus doux depuis 1900 © La Chaîne Météo

Plus étonnant encore, sur l'ensemble de ce mois bissextil, l'indicateur thermique national n’est passé qu’une journée sous les normales. Enfin, certaines villes pourtant habituées au gel ont dû attendre le dernier jour du mois pour voir leur thermomètre s'abaisser sous la barre des 0 °C, comme Strasbourg ou Besançon. D'autres villes n'ont pas connu le moindre jour de gel, comme Lyon ou Bourges qui a enchaîné 42 jours consécutifs sans gel.

Avec une telle douceur printanière, la phénologie des plantes (les stades végétatifs) est bien trop avancée cette année (d'un mois en moyenne), ce qui augmente leur sensibilité et leur vulnérabilité face à l'aléa gélif. Depuis fin février, les abricotiers et pruniers dans le sud ont déjà fleuri, alors que leur période de floraison est censée débuter fin mars. Le débourrement (ou débourrage), autrement dit l'ouverture des bourgeons, est précoce sur la quasi-totalité des espèces. Pour les pommes et les poires, la période de floraison est plus tardive, avec donc un risque moins fort pour ces cultures.

Stades phénologiques © La Chaîne Météo

LCM : Pourquoi l’avancée précoce de la végétation fait-elle courir un risque plus important sur les différentes cultures, que ce soit pour les fruitiers ou les vignes ?

CW : Bien que l'hiver ait été doux, le risque de gel existe toujours jusqu'à la fin du mois d'avril, et même jusqu'en mai pour les régions proches des frontières du nord-est. Avec la précocité de la floraison et du débourrement, la période de conjonction entre le risque de gel et la floraison crée une période de vulnérabilité plus longue que lors d'une année normale où le fleurissement débute plus tard.

Lorsque le stade phénologique d'une culture avance, sa tolérance vis-à-vis des températures froides diminue. Par exemple, le pommier peut résister à des températures de -7 °C au début du gonflement du bourgeon, alors qu'il ne pourra pas résister à des températures inférieures à -2 °C après sa floraison, car sa fragilité augmente. Nous sommes typiquement dans une situation dans laquelle si un gel fort survient, des cultures ne résisteront pas.

Vulnérabilité face au gel de printemps © La Chaîne Météo

Cette situation s'est produite récemment en avril 2021 et 2022, où une période de gel tardif est survenue sur des cultures dont les stades végétatifs étaient bien avancés, provoquant des dégâts et des pertes de rendement colossales (estimées à 2 milliards d’euros). La même situation s'est reproduite l'année dernière, également début avril, mais dans une moindre mesure.

LCM : Vous surveillez un risque de gel pour le début de semaine prochaine. À quoi faut-il s'attendre ?

CW : En effet, après l'ambiance printanière de cette semaine, avec un ressenti parfois estival au sud, la situation va brusquement changer ce week-end, avec une baisse de 10 °C en moyenne. Ce retour à l'hiver sera dans un premier temps humide avec du vent, ce qui limitera le risque de gel en surface. Mais, pour le début de semaine prochaine, un risque de gel n'est pas exclu si le ciel se découvre en cours de nuit, et que le temps devient plus sec. L'analyse de ces prochains jours permettra de répondre avec plus de fiabilité à ce qui nous attend. Au-delà de cette échéance, et comme évoqué précédemment, le gel peut survenir jusqu'au mois de mai. Même si ces situations sont de plus en plus rares avec le réchauffement climatique, c'est un risque à surveiller.

Dates des dernières gelées © La Chaîne Météo

LCM : Le changement climatique augmente-t-il le risque de gel de printemps ?

CW : Le changement climatique a pour conséquence de contracter la saison hivernale (l’hiver dure moins longtemps) et de réduire l’intensité des hivers qui sont donc moins froids et moins longs. Ainsi, malgré la tendance au réchauffement, les risques de dégâts liés au gel augmentent sensiblement en raison de l’avancée de la végétation causée par ces conditions de plus en plus douces.

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