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Froid et gel : situation préoccupante pour le secteur agricole

Cyril BONNEFOY

Par Cyril BONNEFOY, météorologue
mis à jour le

Après une période de douceur digne d’un mois de mai, un froid hivernal revient cette fin de semaine et réveille les mauvais souvenirs des années précédentes. Les agriculteurs redoutent particulièrement un scénario bis de l’année 2021 où les gelées tardives avaient provoqué des pertes dramatiques pour certains vergers, vignobles ou maraichages. Alors à quoi s’attendre ces prochains jours ? Le risque d’un scénario type 2021 pourrait-il se reproduire ?

Le début du printemps est particulièrement redouté des agriculteurs, car cette période est celle de tous les extrêmes. La météo de cette semaine en sera encore l'exemple, puisque nous passerons radicalement du printemps à l’hiver en 48 h. La végétation qui avait pu démarrer ces dernières semaines sera alors particulièrement exposée au risque de gelées.

Un départ de la végétation de plus en plus précoce

L’histoire semble se répéter ces dernières années et pourrait trouver sa source dans une évolution de notre climat. En effet, la tendance est à des hivers beaucoup plus doux qu’auparavant, avec de fait une végétation plus précoce à la fin de l’hiver et au début du printemps. La viticulture voit par exemple la date de débourrement (sorti du bourgeon de son cocon) avancer de 2 à 3 semaines en moyenne par rapport à il y a 30 ans, ce qui n'est pas sans conséquence. Au lieu de démarrer en avril, la vigne démarre désormais plutôt en mars, mois durant lequel statistiquement le risque de gel est bien plus élevé, même dans le contexte du changement climatique.

Une série d’années noires : 2017, 2019, 2021

Avec lors qu’une nouvelle descente d’air polaire est prévue cette fin de semaine, cela réveille les mauvais souvenirs de ces dernières années, à commencer par 2021. En effet, l’année dernière avait été particulièrement catastrophique pour nos agriculteurs (voir notre article à ce sujet). Après une période exceptionnellement douce fin mars, une descente d’air polaire avait fait chuter les températures entre le 5 et le 8 avril. De nombreuses villes qui avaient battu des records de douceur, voire de chaleur le 30 mars et 31 mars, avaient battu des records de froid début avril. Beauvais était par exemple passée en l’espace de quelques jours d’un record de douceur (24,8°C) à un record de froid (-6,9°C). Les pertes agricoles avaient été considérables, avec parfois la totalité des domaines viticoles concernés et aucune région n’avait pu y échapper. Cet épisode, lourd de conséquences pour les agriculteurs, faisait déjà suite à deux années noires en raison du gel : 2017 et 2019. On comprend qu'ils guettent avec inquiétude les prévisions de ces prochains jours et se préparent à nouveau à des journées difficiles.

Chute des températures en fin de semaine : à quoi s’attendre ?

Cette chute se fera en deux étapes avec une première baisse ce mercredi, et une seconde plus conséquente en fin de semaine. Mercredi, vous retrouverez des températures plus proches des normales de saison, voire déjà en dessous au nord de la Loire. Sur Paris, la température maximale passera de 18°C ce mardi après-midi à seulement 11°C ce mercredi après-midi, soit 3°C en dessous de la normale. Il fera encore assez doux au sud, mais une deuxième baisse plus conséquente est attendue entre jeudi et vendredi. Nous repasserons 5 à 10°C en dessous des normales de saison sur tout le pays. Cette deuxième baisse des températures sera engendrée par une dépression qui glissera du nord vers le sud et amènera derrière elle de l’air polaire en altitude. Nous surveillons le risque d’un épisode neigeux conséquent entre les Hauts-de-France et le centre du pays, en passant par l’Île-de-France, même si les incertitudes sont encore nombreuses à cette échéance.

Retour du froid © La Chaîne Météo

Un week-end sous haute surveillance pour l’agriculture

Le risque de gel pour la végétation devrait débuter surtout ce week-end, lorsque le ciel s’éclaircira à l’arrière de la dépression. Samedi, les régions du nord-ouest semblent les plus exposées à ce risque de gelées alors que dimanche et lundi, le risque aura tendance à s’étendre sur les 3/4 du pays. Là où les éclaircit perceront, les gelées pourraient bien être sévères avec certaines modélisations envisageant jusqu’à -5°C en plaine et -10°C à proximité des Vosges et du Massif central. À cette échéance, il est difficile d’être plus précis, mais le potentiel est bien là et laisse redouter d’importants dégâts sur une végétation déjà bien avancée.

Quelles sont à ce jour les régions les plus à risques ?

Les arbres fruitiers ont déjà démarré depuis plusieurs semaines dans la plupart des régions arboricoles, aidés par la période de douceur que nous venons de connaître. Ils seront donc particulièrement exposés au gel. Les arboriculteurs doivent malheureusement se préparer à des pertes majeures dans certaines exploitations. Pour la viticulture, le risque semble plus important en région Bourgogne où la vigne est en avance de 7 à 15 jours. En Bordelais, la vigne est plutôt en retard, ce qui est une situation plus favorable que l’année dernière, mais à l'exception des parcelles taillées en retard, toutes les autres devraient arriver à un stade de bourgeonnement dans le coton, le risque ne sera donc pas nul. La Fédération Départementales des Syndicats d’Exploitation Agricoles de Gironde (FDSEA 33), recommande d'ailleurs aux viticulteurs du département de se protéger dès ce week-end en anticipant la mise en place des moyens de lutte anti-gel.

Une autre inquiétude du secteur concerne la présence d’humidité dans l’air et au sol en raison des précipitations de jeudi et vendredi. L’eau qui s’infiltre dans les bourgeons peut en effet les faire éclater beaucoup plus facilement quand il gèle. Enfin, la neige au sol possible dans certaines régions, comme en Bourgogne-Franche-Comté et Centre-Val de Loire, pourrait favoriser le rayonnement nocturne, accentuer les gelées et accroître les dégâts potentiels sur les cultures.

Risque de gel France © La Chaîne Météo

Après ce début de printemps particulièrement doux, l’hiver revient donc en force pour la fin de semaine. Les agriculteurs se préparent afin de limiter leurs pertes après une série d’années noires. Si cet épisode de froid remarquable pour la saison est acquis, la situation doit encore être affinée en raison des incertitudes liées à certains paramètres tels que la nébulosité et les précipitations neigeuses. Nous y reviendrons dans le courant de nos prochaines actualisations.

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