Vague de froid extrême en Sibérie : des records battus
Depuis le début du mois de janvier, le continent eurasien, de la Russie à la Sibérie, connait une vague de froid hors norme. Si la Russie Occidentale a seulement connu un week-end glacial avec -29°C dans la région de Moscou, la Sibérie est passée sous la barre des -60°C ce mardi avec des valeurs records pour un mois de janvier. Comment expliquer une telle vague de froid dans un contexte de réchauffement climatique ?
La Sibérie est un territoire immense, s'étendant sur plus de 3000 km à l'est de Moscou. Autant dire que, vue de Oymyakon, la ville la plus froide du monde, en Sibérie Orientale, Moscou apparait comme au bout de l'ouest du continent avec un climat qui semble presque tempéré.
La Sibérie : l'enfer du froid
Chaque hiver, la Sibérie est habituée à subir des valeurs extrêmes. Les moyennes des températures en Yakoutie, zone la plus froide, est de -45°C en janvier. Cela en fait le territoire le plus froid de l'hémisphère nord, suivi de certaines zones du nord-ouest du Canada. C'est aussi, en hiver, la 2ème région la plus froide de la planète après l'Antarctique. Le climat est cependant très contrasté entre l'hiver et l'été, avec des amplitudes thermiques annuelles pouvant atteindre 80°C. En effet, de brefs coups de chaud peuvent faire monter la température à 35°C dans ces secteurs où il fait -60° l'hiver.
Une vague de froid à l'échelle du continent eurasien
La vague de #froid en #Sibérie bat des #records (record mensuel avec -62°C à Zhilinda). Par endroit, c'est la +forte vague de froid depuis les années 1960 pour un mois de janvier. L'anomalie tombe à -30°C, ce qui est plus fort que les anomalies chaudes relevées 🌡️ https://t.co/hJHNOfHdWO
— La Chaîne Météo (@lachainemeteo) January 10, 2023
Chaque hiver, la Sibérie Orientale connait des températures entre -50° et -55°C pendant la longue nuit arctique, alors qu'on n'y dépasse pas -30 à -40°C aux pâles lueurs du jour givré. Mais depuis ce début janvier, les grands froids se sont étendus quasiment à toute l'Eurasie, de Moscou à la Yakoutie. Les anomalies négatives enregistrées au cœur de la Sibérie sont tombées à -30°C, soit davantage que les anomalies chaudes observées sur notre planète. Au total, à l'échelle de la Sibérie, les températures actuelles en font la vague de froid la plus intense depuis 1982 en Yakoutie. Mais les températures minimales et maximales (-57° la nuit et -50°C le jour) en font plus généralement la vague de froid la plus forte depuis 1994. Enfin, les -62°C relevés ce mardi constituent un record mensuel pour la station de Zhilinda (depuis l'ouverture de la station météo actuelle en 1942).
Vague de froid en Sibérie © La Chaîne Météo
Les records absolus de froid en Sibérie ne sont pas menacés à ce jour : ils sont de -64°C dans la région de Zhilinda, de -65.7°C Batamay, -65.2°C Ulakhan Kyuel, -65.0°C Iema, -63.0°C Verkhoyansk, -62.1°C Oymyakon par exemple. En Russie, le record de froid dont on trouve trace dans les archives remonte au 26 janvier 1926, avec -67,8 °C à Oymyakon et Verkhoyansk.
Comment expliquer une telle anomalie froide ?
À l'heure du réchauffement climatique, il peut sembler contrintuitif d'observer de telles anomalies froides, qui se montrent d'ailleurs particulièrement intenses dans l'hémisphère nord cet hiver. La vague de froid américaine de Noël était descendue à 20°C sous les moyennes, mais de façon très brève. La vague de froid actuelle en Sibérie est à 30°C sous les moyennes, à tel point qu'il n'y avait plus de couleur correspondante sur les cartes météorologiques. A contrario, les anomalies chaudes sont très répandues et durables (souvent de +10° à +14°C en Amérique du Nord actuellement, ainsi qu'en Chine). Les contrastes sont donc énormes dans l'hémisphère nord, alors que l'hémisphère sud est plus tempéré.
Anomalies de températures planétaires du 10 janvier © Climate Reanalyser
Mécaniquement, les ondulations du jet stream sont responsables de ces effets de vases communicants, portant l'air doux vers le nord et l'air froid vers le sud. Mais cela n'est pas suffisant. Des fluctuations de la tropopause, la couche qui délimite la troposphère dans laquelle nous vivons et la stratosphère au-dessus, peuvent aussi expliquer en partie ces vagues de froid intenses. Des variations de cette couche limite sont capables de faire plonger vers le sol l'air glacé de la stratosphère. Ce principe est connu sous le nom de "vortex polaire" dans les médias. Une fois ce mécanisme enclenché, un anticyclone puissant s'installe et piège le froid au niveau du sol. Cet anticyclone n'est pas nouveau, bien connu sous l'appellation d'anticyclone de Sibérie.
L'évolution météorologique attendue pour le court terme indique désormais une atténuation progressive de cette vague de froid, laquelle se décalera plutôt vers l'Asie du Sud-Est (Chine), qui connait actuellement des températures anormalement douces. Les températures rejoindront alors les moyennes de saison en Russie.
En conclusion, il apparait que le réchauffement climatique est une tendance de fond qui croît au fil des décennies, mais qui n'empêche pas des épiphénomènes froids de se produire. Ils restent cependant bien moins nombreux que les anomalies chaudes à l'échelle de la planète et cette évolution devrait se maintenir selon les scénarios climatiques présentés par le GIEC.