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Le retour de La Niña cet été : quels impacts sur le climat mondial ?

Regis CREPET

Par Regis CREPET, météorologue
mis à jour le

Après deux ans marqués par le phénomène El Nino, le plus intense depuis 2016, le retour brutal de La Niña est déjà prévu pour cet été. Une transition aussi rapide est peu fréquente.

Le climat mondial est régulé par les flux atmosphériques, mais surtout par les courants océaniques et leur température. En raison de leur superficie sur notre planète, les océans jouent un rôle prépondérant dans la machine climatique, en particulier dans la zone intertropicale, où se jouent de multiples variations cycliques. Ces cycles, appelés « ENSO » (acronyme pour El Nino et oscillation australe) alternent entre des anomalies chaudes (El Nino), froides (La Nina) ou neutres.

Dès à présent, les modèles numériques envisagent l’émergence de La Niña, qui devrait monter en puissance jusqu’à l’automne.

Le retour rapide de La Nina après un puissant El Nino

L’océan Pacifique, en raison de son immensité, est capable de moduler une bonne partie du climat planétaire, ce qui explique pourquoi il est sous haute surveillance. La zone intertropicale est scrutée par les satellites qui mesurent sa température (par imagerie infrarouge). Lors de cette dernière décennie, on était habitué à de fréquentes anomalies chaudes des températures de l’eau du Pacifique oriental (du côté de la côte américaine), ce que l’on appelle le phénomène El Niño. Mais, cette année, c’est l’inverse qui est attendu et qui commence déjà à se mettre en place (1) : un refroidissement de ces eaux de surface. C’est l’inverse d’El Nino, appelé « La Niña ». Ces cycles alternent tous les trois à sept ans. Cependant, on a observé cette dernière décennie des transitions plus rapides et plus intenses que d'habitude, qui sont possiblement une conséquence du réchauffement climatique (2).

Baisse rapide et marquée de la température du Pacifique

Le retour de la Nina cet été © La Chaîne Météo

Au large des côtes de l’Amérique centrale et du Pérou, les vents s'inversent : les alizés soufflent de l’est vers l’ouest, repoussant les eaux chaudes vers le grand large (Polynésie puis Australie et Indonésie), et provoquant la remontée des eaux profondes froides du côté américain (phénomène d’upwelling). La baisse actuelle est déjà proche de -0,5 °C, mais la modélisation indique que le refroidissement pourrait plonger entre -1 °C et -1,5 °C à la fin de l’automne, ce qui constituerait alors une « Niña modérée ». Une telle transition entre un Niño fort et une Niña modérée est brutale et rare.

Des conséquences climatiques autour du monde

© La Chaîne Météo

Ces variations de température océanique forment des interactions océan-atmosphère qui influencent l’humidité et la température de l’atmosphère, et modifient aussi le sens des vents en haute altitude ainsi que la circulation du jet-stream. Par « effet domino », des répercussions se font sentir tout autour de la zone Pacifique, ainsi que de l'autre côté, sur l’océan Atlantique. Toute la zone intertropicale est bouleversée avec des modifications dans le régime de pluie (mousson africaine et indienne) et des températures (3).

Une saison cyclonique plus marquée

© La Chaîne Météo

En période La Niña, l'activité cyclonique dans l'océan Atlantique est amplifiée, en raison de l'effet de vases communicants (3) : les eaux froides du Pacifique réduisent l'instabilité et affaiblissent le courant jet en haute altitude, favorisant ainsi le développement des ouragans. Cela contraste avec la période El Niño où le nombre d'ouragans est réduit.

Pour la saison des ouragans 2024, une activité accrue est prévue, avec le risque de cinq ouragans majeurs, selon les prévisions des organismes spécialisés. Les régions de l'arc Caraïbes et des Antilles sont particulièrement vulnérables, avec des prévisions de fortes pluies. Bien que le réchauffement climatique puisse influencer la fréquence des ouragans majeurs, son impact sur le nombre total de phénomènes semble être moindre.

Quelles conséquences pour cet été en France ?

Pour cet été, la question naturelle à laquelle on peut penser concerne les répercussions de La Niña en Europe de l’Ouest. Contrairement à El Nino, elle a peu d’impact sur l'Eurasie, car elle se situe trop loin, à la fin de l'ENSO (4). Les étés en période Niña peuvent être caractérisés par une circulation océanique perturbée, entraînant un temps changeant en France, mais également par des anticyclones renforcés sur l'Europe centrale. Ces situations peuvent causer des vagues de chaleur sur notre pays. Les types de temps associés sont donc différents dans ces deux cas.

Comme La Niña commence tard cette année, son effet sur l'été pourrait être limité, peut-être seulement en fin de saison avec la remontée d'anciens phénomènes cycloniques atlantiques vers l'Europe. Cela ne devrait pas affecter significativement les prévisions saisonnières, mais souligne une fiabilité encore limitée à ce jour.

Des conséquences plutôt en hiver

La Niña se fait surtout sentir en hiver (5), en refroidissant globalement l’hémisphère nord en raison des modifications des centres d’action (anticyclones polaires renforcés notamment). Elle est généralement synonyme d’hiver précoce en France, mais il est trop tôt pour aborder ces échéances. Il faudra attendre la fin de l’été et davantage celle de l’automne pour voir sa configuration précise avant de pouvoir se prononcer sur la nature de notre hiver 2024-2025.

Références

1) El Nino devrait durer jusqu'en avril au moins

2) Augmentation des occurrences consécutives d’événements La Niña en raison du réchauffement climatique

3) Cyclogenèse tropicale

4) Interactions troposphériques QBO-ENSO et différences entre l'Atlantique et le Pacifique

5) Impacts saisonniers de La Niña et d'El Niño

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