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Intempéries : 2024, l'année des gouttes froides ?

Regis CREPET

Par Regis CREPET, météorologue
mis à jour le

Depuis le début du printemps, une dizaine de "gouttes froides" pour une moyenne de 5 ou 6 par an ont directement concerné la France, générant un temps très instable, ce qui nous a valu un printemps particulièrement maussade. Alors que l'été commence avec quelques belles journées, le spectre des gouttes froides ne semble pas encore écarté. Retour sur cette situation atypique.

Un temps instable à caractérisé notre printemps 2024 en France © Adobe Stock (image d'illustration)

Ce printemps 2024 (du 1er mars au 31 mai pour la saison météorologique) a été le plus pluvieux depuis 2008 à l'échelle de l'hexagone avec un excédent pluviométrique de 51%. Cependant, il a été globalement doux, notamment en avril, de telle sorte que le ressenti "maussade" a surtout été lié à la couverture nuageuse et aux précipitations. Quelques périodes fraîches ont par endroit nécessité de maintenir les chauffages allumés jusqu'à la fin mai, notamment au nord-est et au centre-est, mais les périodes de grande douceur ont compensé cette fraîcheur. Quoi qu'il en soit, le ressenti n'a pas été agréable cette année avec des températures très fluctuantes, comme en témoigne l'indicateur thermique national.

Indicateur thermique national du printemps 2024 © La chaine Météo

Le temps a basculé fin février surtout au sud de la France

Les précipitations sont revenues sur notre pays dès l'automne après un été sec, ce qui a constitué une excellente nouvelle concernant la recharge progressive des nappes phréatiques qui étaient alors très déficitaires. Ces pluies ont d'abord concerné la moitié nord du pays pendant l'automne et l'hiver, avec des crues majeures en particulier dans le Nord-Pas-de-Calais. Ces pluies étaient dues au défilé incessant des perturbations océaniques. Mais le véritable changement de situation générale (ce que l'on appelle la "synoptique") s'est enclenché fin février avec le début de la récurrence des fameuses "gouttes froides", dont on n'a jamais autant parlé en France que cette année.

Gouttes froides et épisodes cévenols : un printemps atypique

Si le défilé des perturbations océaniques en hiver est un grand classique de notre climat tempéré, la récurrence des gouttes froides en ce premier semestre l'est beaucoup moins. À la différence des perturbations venant de l'ouest, les gouttes froides sont des décrochages d'air polaire plongeant plein sud, en l'occurrence vers la France et la Méditerranée. Ces phénomènes météorologiques se produisent lorsque de l'air froid en altitude se détache des courants d'air polaire et descend jusqu'à des latitudes plus basses, provoquant des conditions météorologiques très instables (fortes pluies, orages et parfois de la grêle). Ces événements sont particulièrement fréquents au printemps et en automne, lorsque les contrastes de température entre l'air au sol et l'air en altitude sont plus marqués.

Chaque année, au printemps, notre pays connait ce type de temps avec, au maximum, de 4 à 8 gouttes froides par an. Quant aux épisodes cévenols, ils surviennent majoritairement à l'automne (70%), et plus rarement au printemps.

Mais cette année, notre pays a subi les assauts prolongés de ces gouttes froides dès la fin février et le début mars. On a observé 5 gouttes froides en mars, 3 en avril et 4 en mai. En descendant de l'Atlantique Nord jusqu'en Espagne, elles ont fait remonter, dans leur mouvement rotatif, de très fortes pluies méditerranéennes avec 7 épisodes consécutifs. Cela a permis de rétablir une abondante pluviométrie au sud-est de notre pays (exception faite du Roussillon, protégé par les Pyrénées). Cette situation a persisté jusqu'à la fin du mois d'avril et a permis également à la neige de tomber en abondance sur les Alpes et sur les Pyrénées pendant tout le printemps.

Pluie, orages et averses durant 4 mois d'affilée : des inondations catastrophiques

Après la période des épisodes méditerranéens, la configuration a légèrement changé, en mai et juin, avec des dépressions descendant plutôt d'Islande sur les Îles Britanniques et affectant plutôt nos régions septentrionales. On a parlé alors de" décrochage polaire" car les baisses des températures étaient plus marquées, avec des températures passant parfois sous les moyennes (notamment fin mai et début juin) et le retour de la neige en montagne de façon tardive (mai-juin). En raison du contraste de masses d'air entre l'air chaud déjà présent sur le bassin méditerranéen et les descentes d'air froid, les dégradations orageuses se sont renforcées sur notre pays, avec des chutes de grêle et des pluies abondantes provoquant des inondations parfois majeures, notamment lors de la goutte froide du 17 mai associée à un "retour d'est" en Alsace et en Lorraine. Cependant, l'activité électrique est restée modérée au cours de cette période, légèrement plus faible que les moyennes, car il n'y avait pas assez d'air chaud sur notre pays pour générer des vagues orageuses généralisées.

Au total, ce printemps 2024 restera dans les annales de la météo comme remarquablement humide et instable, marqué par de fortes variations de températures. Les inondations ont provoqué des dégâts très importants. Il ne faudrait pas occulter cependant l'exceptionnelle recharge des nappes phréatiques après deux ans de sécheresse, ce qui constitue la bonne nouvelle principale de cette configuration. De tels printemps se produisent en moyenne une fois tous les 5 ans (les derniers, assez comparables, remontent à 2021, 2016, 2013, 2012 et 2006. Auparavant, les printemps et certains étés de la décennie 1980 étaient régulièrement maussades et très frais, de façon bien plus marquée que cette année.

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