Tempête Aurore : comment expliquer une telle intensité ?
La tempête Aurore, qui a balayé la moitié nord de la France dans la nuit de ce 20 au 21 octobre, s'est avérée plus forte d'environ 15% par rapport aux prévisions, en raison de la combinaison de plusieurs paramètres.
Le passage de la tempête Aurore était déjà prévu par la Chaîne Météo depuis le début de la semaine, et les modèles numériques de prévisions météorologiques ont été généralement assez bons pour anticiper cette dégradation du temps survenue mercredi soir. Cependant, au dernier moment, ces modèles numériques ont revu in extremis à la hausse la force des rafales de vent, ce qui s'est produit finalement, avec au total une tempête plus violente de 10 à 15% par rapport à la prévision initiale.
© La Chaîne Météo
Une dépression couplée au jet stream en altitude
La prévision des tempêtes repose sur l'analyse et la modélisation de la pression atmosphérique en surface, ainsi que sur le comportement du jet stream en altitude. En effet, lorsque le passage d'une dépression est couplé à une circulation rapide du jet stream, les conditions sont propices au renforcement des vents. On parle de "phasage" entre ces deux phénomènes, phasage qui est encore plus fort lorsque ladite dépression circule légèrement sur la droite du courant jet. Dans le cas de la dépression Aurore, il y avait bien un phasage pouvant laisser penser que les vents pouvaient être plus forts que prévu initialement, mais le jet stream n'était pas envisagé très puissant en circulant à environ 220 km/h, une vitesse tout à fait usuelle. Par comparaison, le jet stream avait atteint plus de 400 km/h lors des "tempêtes du siècle" de décembre 1999.
Un fort conflit de masse d'air, une convection qui dynamise les rafales
Un autre paramètre susceptible de renforcer la puissance des vents est le conflit de masse d'air et ses conséquences sur son niveau de convection. Celui-ci s'opère entre l'air doux, présent avant l'arrivée de la dépression, et l'arrivée brutale de l'air frais au moment où le vent tourne au secteur nord-ouest. On parle alors de "bascule des vents", qui soufflent d'abord du sud-ouest puis tournent brutalement au nord-ouest. Ce brusque changement de masse d'air est susceptible de dynamiser la force des rafales par une hausse plus ou moins marquée de la convection, ce qui a pu se produire dans le cas de la tempête Aurore. C'est pour cette raison que l'on a observé des valeurs parfois bien différentes à l'intérieur d'un même département. À noter que ce contexte est souvent identique lors de la formation d'orages, ce qui peut renforcer encore plus la force des rafales, mais cela n'a pas été le cas avec Aurore où les impacts de foudre se sont limités aux départements du Finistère et près des collines d'Artois (Pas-de-Calais).
Une différence de pression atmosphérique
Le couplage entre la dépression et le jet stream, ainsi que le conflit de masse d'air, ne sont pas des paramètres suffisants à eux seuls pour expliquer la différence d'intensité de cette tempête avec les prévisions initiales. Il faut donc rechercher d'autres facteurs plus subtils. La comparaison entre la modélisation réalisée la veille et l'observation de ce qui s'est produit, est ainsi révélateur de quelques nuances qui peuvent expliquer ces 15 à 20% d'intensité additionnelle.
Le premier facteur est celui de la pression atmosphérique. La dépression s'est creusée un peu plus que prévu en circulant de la Manche vers le détroit du Pas-de-Calais, avec une pression à 984 hPa au lieu de 990 hPa. Cette baisse s'est fait sentir jusqu'à Paris, où la pression est descendue à 996 hPa au lieu de 1002 hPa. La différence n'est certes pas énorme, mais elle a accentué notamment le gradient de pression entre le Pas-de-Calais et l'Ile-de-France. Il en a découlé un renforcement des vents.
D'autre part, il était prévu que l'anticyclone présent sur l'atlantique regonfle plus rapidement vers le nord en remontant vers la mer d'Irlande, contribuant à faire baisser les vents après le passage du front froid de la perturbation associé à la tempête. Or, cet anticyclone est resté plus bas, au large de la Bretagne. Le flux venté océanique est ainsi resté plus vigoureux, formant un large couloir de vent fort circulant de la Bretagne jusqu'au Grand Est, en passant par l'Ile-de-France. Ce couloir correspond aux secteurs qui ont observé les plus violentes rafales.
En conclusion, on retiendra que cette tempête avait été globalement bien prévue, mais que les modèles numériques ont sous-estimé partiellement son intensité dans un premier temps avant de se recaler tardivement. Le passage de la tempête a été plus fort, ce qui a entrainé de nombreux dommages : arbres et grosses branches jonchant les voies de communication, et plus de 250 000 personnes privées d'électricité au plus fort de l'évènement.