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Canicule et sécheresse : un été 2019 exceptionnel ?

La Chaîne Météo

Par La Chaîne Météo
mis à jour le

Une nouvelle canicule se met en place, et la sécheresse s'aggrave depuis le début de l'été. La Chaîne Météo a interrogé Régis Crépet, météorologue-climatologue, sur les caractéristiques et l'évolution de cet été 2019.

2 canicules en un été, est-ce rare ? Est-ce déjà arrivé dans le passé ?

Régis Crépet : Ce n’est pas si rare, mais elles sont surtout plus fréquentes depuis 2015 et parfois nettement plus durables comme en 2018. Ainsi entre 2000 et 2014, on a observé des étés avec 2 canicules, comme en 2009 et 2010. En 2015, il y a eu 3 canicules, puis 2 en 2016 et 2017. L'année qui fait référence est 2003, où une canicule très forte, surtout dans le sud, avait sévi fin juin. Une nouvelle canicule, comparable à ce qui se profile pour la semaine prochaine, s'était produite à la mi-juillet, avant la canicule ultime du mois d'août. En 2006, les mois de juin et de juillet avaient été marqués par de fortes chaleurs durables, mais le mois d'août avait été frais.

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Pourquoi les pluies du printemps n'ont pas suffi à empêcher la sécheresse ?

Régis Crépet : Selon des études menées notamment par le CNRS, l'humidité printanière constitue une "barrière anti-canicule" : si les sols sont humides, les fortes chaleurs ont davantage de mal à s'imposer en raison de l'évaporation qui engendre la formation de nuages et d'orages, censés limiter la hausse des températures. Lorsque les sols sont secs, les fortes chaleurs n'ont pas ce processus de frein et de limitation. Mais il s'agit de théorie et de statistiques : on constate depuis ces derniers étés que cela ne s'est pas vérifié. Concernant cette année, les pluies sont restées déficitaires depuis cet hiver (-21%) et celles du printemps n’ont pas été assez copieuses pour combler le déficit, avec encore -16% de précipitations à l’échelle de la France. Notre pays connaît donc un déficit pluviométrique chronique et les pluies du printemps ont juste limité les dégâts pour le début de l’été. Mais la canicule de la fin juin en a fait perdre les bénéfices.

La sécheresse est-elle de plus en plus grave chaque année ?

Régis Crépet : Les sécheresses estivales ne sont pas plus graves chaque année, mais elles s’installent de plus en plus rapidement car les sols ne sont pas suffisamment rechargés en eau.

Le cycle habituel des saisons alterne avec une période humide, de l'automne au début du printemps, et une saison sèche en été. Si le processus est équilibré, avec des précipitations suffisantes en hiver, la sécheresse estivale a alors un impact limité.

Ces dernières années, les sécheresses estivales ont été fortes et précédées par des printemps souvent très arrosés, notamment en 2016. Mais cette année, les précipitations sont restées dans les normales, parfois même légèrement inférieures et cela après un hiver lui aussi plutôt sec. La France traîne cette année un déficit pluviométrique qui aurait pu être minime si l'été avait été standard. Mais les fortes chaleurs conjuguées à des précipitations très faibles (sur les régions centrales et la moitié nord) provoquent une accélération rapide de la sécheresse. Il faudra désormais voir, dans le futur, si cet type d'été devient la norme ou s'il s'agit seulement d'une phase cyclique.

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On sait que la chaleur assèche les sols. Mais à l'inverse, cette sécheresse des sols a-t-elle un effet sur les températures ?

Régis Crépet : Oui ! A présent que les sols sont très secs, la barrière anti-canicule a sauté. Les prochaines vagues de chaleur auront donc plus de facilité à s'étendre sur notre pays lorsque les vents remonteront du sud, comme ce qui se met en place cette semaine avec la 2ème canicule de cet été. Il s'agira alors d'une chaleur sèche avec un ressenti probablement moins pénible que lors de la canicule de la fin juin, où le taux d'humidité dans l'air était quasi tropical.

Est-ce que cette sécheresse peut être comblée au cours de l'été s'il y a beaucoup d'orages ? Ou est-ce "fichu" pour le reste de l'été ?

Régis Crépet : La sécheresse actuelle a pris une forte ampleur, à la fois sur les sols superficiels ainsi que dans les sous-sols : les nappes phréatiques sont de niveaux variables mais toutes orientées à la baisse. Des orages, même violents, provoqueront des pluies brutales qui ne pourront pas s’infiltrer dans ces sols durcis, et qui ruisselleront et s'évaporeront. On peut craindre des inondations, mais un impact sur les sols limité. On peut en déduire que la situation restera tendue pour le reste de l'été voire au-delà, d'autant plus que nos prévisions saisonnières font état d'un mois d'août encore chaud et sec, dans la continuité de cette première moitié d'été.

Cela veut-il dire qu'il faut s'attendre à d'autres canicules cet été ?

Régis Crépet : En effet, le risque de vagues de chaleur et de canicule persistera désormais tout l'été en raison de la faible évolution des centres d’action météorologiques qui vont conditionner le temps, et de la sécheresse des sols. Les prévisions pour le mois d'août indiquent la persistance de températures supérieures aux moyennes sur la France : dans ce contexte, de nouvelles périodes chaudes semblent inévitables.

Cette chaleur va-t-elle mener à des intempéries : des orages plus violents, des épisodes cévenols à la rentrée ?

Régis Crépet : Il est vrai qu'on a coutume de dire que les températures élevées de la mer Méditerranée sont un facteur de risque pour la survenue de violents orages et d'épisodes cévenols. Mais ce n'est pas systématique et les années récentes nous l’ont prouvé. Il faut d'autres facteurs pour déclencher ces intempéries, comme par exemple l'arrivée d'air plus frais par le nord pour provoquer un contraste thermique. A ce jour, les tendances saisonnières pour le mois de septembre indiquent un potentiel de fortes pluies sur le pourtour méditerranéen tandis que le mois d'octobre serait plus sec mais plus frais. Le mois de septembre pourrait alors être un mois "à risque".

Ces 2 canicules et cette sécheresse sont-elles une conséquence du réchauffement climatique ?

Régis Crépet : Le lien de cause à effet n'est pas si évident. Dans un climat plus chaud, il semble logique de subir des épisodes de fortes chaleurs et de canicule plus fréquents mais pas obligatoirement plus intenses. Il faut surtout bien distinguer les phénomènes à l'échelle météorologique (vagues de chaleur, inondations ou encore sécheresse...) et l'évolution au long cours : c'est cette tendance de fond qui permettra, avec du recul et dans la durée, de corréler nos canicules au réchauffement climatique.

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