Jusqu'à quand peut-il encore geler ?
Le week-end dernier, les gelées ont été fortes sur une partie du pays, de -4 à -9°C localement. Peut-il encore geler d'ici la période des Saints de Glace ? Réponse avec deux experts météo de La Chaîne Météo, Régis Crépet (spécialiste des prévisions à long terme) et Cyril Bonnefoy (spécialiste climat & agriculture).
Les fortes gelées de ces derniers jours sont-elles exceptionnelles à cette période de l’année ?
Régis Crépet : Les gelées à la mi avril ne sont pas rares, mais celles-ci ont été particulièrement marquées, avec des températures s’abaissant entre -4°C et -9°C localement du nord au centre de la France. De telles valeurs sont proches des records, qui datent souvent des mois d’avril 1978, 1986 et 2003. C’est donc un événement qui survient une fois tous les 20 ans dans cette intensité. Ponctuellement, on a battu ces records à Saint Etienne (42), Romorantin (41) et Mourmelon (51).
A cette époque de l’année, quelles sont les conséquences de ces gelées sur les cultures (vignes, fruits et légumes) ?
Cyril Bonnefoy : Climatologiquement parlant, ces gelées ne sont pas si tardives dans la saison, mais pour la vigne et les arbres fruitiers, ces dernières peuvent être très dommageables, d’autant plus si le début du printemps a été doux. En effet, lors d’années précoces, c’est-à-dire avec un démarrage de la végétation tôt dans la saison, les cultures sont d’autant plus exposées au risque de gel. Les bourgeons sont alors très fragiles et sont directement exposés à l’air ambiant et aux températures potentiellement négatives. Les dégâts engendrés par le gel causent des pertes de rendement pour les agriculteurs durant l’année en cours, mais également l’année suivante.
De nouvelles gelées, même moins fortes, autour de 0°C, pourraient-elles être également préjudiciables ?
Cyril Bonnefoy : Les dernières gelées que nous venons de connaître ont été très marquées avec parfois -5/-6°C en Bourgogne ou Champagne. D’autres gelées tardives peuvent se produire jusqu’à la mi-mai environ, notamment dans les vignobles du nord de la France. Une température de 0°C sous abri suffit pour que du gel soit observé au niveau du végétal et que les bourgeons, les feuilles ou les fleurs soient détruits. Toute la profession des arboriculteurs et viticulteurs est donc sur le qui-vive jusqu’au milieu du printemps avant que tout risque ne soit finalement écarté.
Y a-t-il un nouveau risque de gelées cette semaine ?
Régis Crépet : Non, désormais le risque de gelée est écarté cette semaine, et à priori jusqu’à la fin du mois, car la masse d’air remonte désormais du sud-est ou du sud-ouest sur la France, ce qui provoque un très net redoux généralisé. On s’oriente même vers des températures estivales pour le week-end de Pâques.
Si on étudie la tendance météo à 1 mois, d’autres gelées sont-elles encore possibles ou est-ce vraiment terminé pour 2019 ?
Régis Crépet : Le risque de gelées n’est pas encore tout à fait écarté pour ce printemps, car la France reste encore sous la récurrence anticyclonique, synonyme de nuits claires et dégagées, propices au gel. L’anticyclone se décale parfois, et en fonction de sa position géographique, il provoque la rotation des vents soit au nord-est (donc frais) soit au sud-est (donc doux). De nouvelles nuits fraîches sont donc à craindre début mai puis, peut-être aussi autour des fameux Saints de Glace, mais dans une proportion incomparable avec la rigueur des gelées du week-end dernier.
La semaine prochaine, nous entrons dans la période des “Cavaliers du froid” : une période souvent froide, entre le 23 et le 25 avril, selon les dictons météo associés. Est-ce que cette période va effectivement correspondre à un “retour de l’hiver” ?
Régis Crépet : Non, la semaine prochaine ne sera pas propice au froid car le temps sera, au contraire, perturbé avec le retour des nuages et des pluies. Dans un tel contexte, il ne peut pas geler la nuit, même si, en journée, les températures vont rebaisser après le pic de chaleur attendu pour le week-end de Pâques.
Quelle est, en général, d’après les statistiques, la date moyenne des dernières gelées en France ?
Régis Crépet : Les dates moyennes des dernières gelées en plaine en France sont justement comprises dans la période actuelle, entre le 15 et le 20 avril, mais pratiquement jamais de façon aussi rigoureuse que le week-end dernier. Les régions du centre-est sont celles où les dates moyennes des dernières gelées sont les plus tardives (le 25 avril), alors que proche des littoraux, c’est plutôt à la mi-mars.
Quelle est la date des gelées les plus tardives jamais relevées en France ?
Régis Crépet : Rappelons tout d’abord qu’en montagne, dès 1000 m d’altitude, il peut geler toute l’année pour peu que les conditions soient réunies (nuit claire, inversion thermique…). En plaine, des gelées survenant jusqu’en début mai se retrouvent en moyenne une fois tous les 5 ans. Dans des cas plus rares, les dernières gelées peuvent être très tardives, parfois jusqu’à fin mai (le 20 mai pour Strasbourg, le 22 mai pour Rennes, et même le 2 juin pour Lille). Dans les campagnes, des gelées blanches peuvent donc survenir jusqu’en juin, y compris dans l’intérieur de la Bretagne.
Que prévoyez-vous dans les prévisions, à l’heure actuelle, pour la période des Saints de Glace : y a-t-il un risque de gelées autour du 11, 12 et 13 mai ou même après ? Le dernier Saint de Glace a lieu le 25 mai...
Régis : La semaine des Saints de Glace pourrait être marquée cette année par le retour de l’anticyclone. Ceci est synonyme de flux de nord-est continental, sec et frais. Si, dans ce contexte, les nuits sont dégagées, de petites gelées pourraient se produire. Mais, avec l’avancée dans la saison, elles seraient assez faibles et moins généralisées que lors du week-end dernier, se cantonnant dans les zones habituelles (centre-est). Quant au 25 mai, à cette échéance encore très lointaine, il n’est pas possible de formuler une prévision à ce jour.