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pourquoi la vague de chaleur de ces prochains jours n'est pas une situation normale pour la saison

Regis CREPET

Par Regis CREPET, météorologue
mis à jour le

Avec la vague de chaleur et la canicule à venir, nombreux sont les commentaires faisant remarquer que cette situation est normale pour cette époque de l'année. Au contraire, cette chaleur s'annonce remarquable et bien différente de ce que nous devrions avoir à quelques jours du début de l'automne météorologique. Décryptage.

Notre pays s'apprête à connaître une vague de chaleur durable et intense. Pour l'instant, seules les régions du centre-est et du sud-est s'approchent des seuils de canicule, mais les fortes chaleurs vont s'étendre graduellement à tout le sud de la Loire d'ici au week-end. Ensuite, un épisode de canicule généralisé devrait concerner les deux tiers de la France en début de semaine prochaine. Si l'été actuel a évité les chaleurs trop intenses, on ne devrait plus y échapper désormais, ce qui est remarquable après le 15 août.

Pourquoi cette vague de chaleur s'annonce remarquable

Indicateur thermique : vers une vague de chaleur durable © La Chaîne Météo

Rappelons que la canicule historique d'août 2003 avait eu lieu en première décade. Après le 15 août, les vagues de chaleur deviennent statistiquement moins fréquentes, car les centres d'action météorologiques (anticyclones et dépressions) commencent à bouger avec l'avancée dans la saison. De plus, la durée du jour décroit, ce qui limite un peu la flambée du thermomètre, même si des pics à 40°C sont possibles jusqu'en septembre dans le sud. La situation que nous allons connaître s'annonce exceptionnelle en raison de plusieurs facteurs :

1) Sa durée, surtout pour cette époque de l'année. Elle pourrait durer de 3 à 10 jours selon les régions, sachant qu'elle a débuté depuis ce week-end au centre-est.

2) Son intensité, avec un indicateur thermique national (moyennes de températures quotidiennes) qui va atteindre 27 à 28°C en début de semaine prochaine, la journée la plus chaude étant à ce jour prévue mardi 22 août. Pour mémo, les journées les plus chaudes jamais observées en France sont le 5 août 2003 et le 25 juillet 2019, avec un indicateur thermique national qui avait atteint 29,4°C, valeur dont on restera assez éloignés cette fois-ci.

3) Des records décadaires approchés. Les records mensuels, qui datent majoritairement d'août 2003, ne seront pas atteints ni dépassés, mais, pour la période que nous allons connaître, nous pourrons nous approcher de certains records décadaires en début de semaine prochaine, au moins au sud de la Loire. Ces records sont cependant très élevés pour la dernière décade d'août avec 40,1°C à Toulouse (26 août 2010), 36,6°C à Paris (24 août 2016), ou par exemple 37°C à Orléans (24 août 2016).

4) Une vague de chaleur parmi les plus intenses pour cette époque de l'année. À ce jour, la vague de chaleur tardive d'août 2012 est la plus longue et la plus intense après un 15 août en France. Elle avait persisté 6 jours (du 16 au 22 août), avec en son sein 3 à 4 jours de canicule, et avait concerné les deux tiers du pays. Les températures avaient atteint 38 à 42°C sur la moitié sud et 35 à 38°C au nord de la Loire. Plus de 20 stations météorologiques métropolitaines avaient alors dépassé la barre des 40°C, jusqu'au niveau de la Loire et de la Bourgogne. Des records mensuels de 2003 avaient même été battus à cette occasion : il avait fait jusqu'à 42,3°C à Montgivray (36) le 18 août et 38°C à Paris. Plus près de nous, une vague de chaleur un peu plus courte (5 jours) s'était produite du 23 au 28 août 2016, avec 40,3°C à Vierzon et 38°C à Paris. L'épisode à venir pourrait se rapprocher de ces durées.

Concernant l'intensité, quelques incertitudes persistent pour les régions de la moitié nord, qui pourraient ne pas afficher des valeurs aussi élevées que durant les années 2012 et 2016.

Quelles températures devrions-nous avoir à cette époque de l'année ?

Si l'on se réfère à la norme des étés du XXᵉ siècle, les températures maximales au nord de la France à la mi-août sont de 23°C à Lille, de 25°C à Paris et 26°C à Strasbourg. Pour le sud, les températures maximales moyennes sont de 27°C à Bordeaux, de 28°C à Lyon et de 29°C à Montpellier. Les températures minimales statistiques relevées en fin de nuit sont, quant à elles, de 14 à 17°C en moyenne avec 16°C à Paris.

Statistiquement, un temps orageux est souvent observé en France à la mi-août, clôturant les fortes chaleurs du plein été. Cette année, c'est l'inverse qui se produit, avec la période du 1er au 9 août qui a été fraîche, et la période du 10 au 23-24 août qui devrait être brulante. La situation que nous allons vivre ces prochains jours aurait été encore plus chaude si elle s'était produite début août et aurait sans doute pu rivaliser avec celle d'août 2003.

"C'est normal, c'est l'été" : une histoire de biais cognitifs ?

La persistance d'une telle affirmation est à chercher, entre autres, du côté de l'influence de certains biais cognitifs. L'un d'entre eux est le biais de normalité, qui conduit les individus à considérer comme "normal" ce à quoi ils sont habitués, même si la situation a évolué de manière significative. Dans le contexte des changements climatiques, ce biais peut pousser certaines personnes à minimiser l'impact du réchauffement planétaire en le réduisant à une variation saisonnière habituelle.

Le biais de confirmation peut également jouer un rôle dans la perpétuation de cette affirmation. Les individus ont tendance à rechercher et à accepter les informations qui confirment leurs croyances préexistantes. Ainsi, lorsqu'ils entendent "C'est normal, c'est l'été", ils peuvent instinctivement la valider sans chercher à examiner les preuves du lien entre les changements climatiques et les conditions météorologiques extrêmes.

D’après une publication de Sophie Portier (responsable Fonds Tourisme Durable ADEME), un autre biais peut entrer en compte : le biais de disponibilité, qui explique que notre jugement est coloré par les événements récents :

« C’est particulièrement vrai concernant notre ressenti des températures et ce que nous considérons comme les normales de saison. En effet, les normales de saison sont réévaluées tous les 10 ans par Météo France mais du coup, nous perdons une vision climatique plus long terme qui permet vraiment de juger du dérèglement climatique. Les cinq dernières années (texte publié en 2020 – NDLR) ont été les années les plus chaudes jamais enregistrées. Donc si elles deviennent la nouvelle norme des normales de saison, nous allons perdre la perception psychologique d’un réchauffement climatique qui s’amplifie lorsque nous regardons le bulletin météo chaque jour…

Pour comprendre pourquoi l'affirmation "C'est normal, c'est l'été" ne tient pas face à ce type de situations, il est donc essentiel de prendre en compte l'évolution des conditions climatiques. Les activités humaines conduisent à une augmentation des concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, qui entraîne un réchauffement planétaire, ce qui a un impact direct sur les températures estivales. Ce réchauffement contribue de manière significative à l'intensification et à la fréquence des vagues de chaleur et des canicules.

Ainsi, le nombre de vagues de chaleur nationales depuis 1947 a été plus important au cours des dernières décennies. Selon la météorologie nationale, il y a eu 4 fois plus de vagues de chaleur ces 38 dernières années que les 38 précédentes et leur nombre a été multiplié par 9. Ces événements climatiques extrêmes ne sont plus simplement une caractéristique "normale" de l'été, mais une manifestation directe des changements climatiques en cours. Les températures records battues année après année, les épisodes prolongés de chaleur intense et leurs conséquences témoignent de cette réalité.

Avec le réchauffement climatique, nos étés se sont réchauffés de +2°C par rapport à ceux des années 1980, modifiant la perception que l'on en a. Dans ce contexte, la vague de chaleur que nous connaissons actuellement au centre-est et sud-est est largement au-dessus des températures normales, et les prochains jours nous conduirons +7 à +10°C au-dessus des normes de 1991-2020. Rien de vraiment "normal".

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