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Risque d'hiver froid, consommation d'énergie : qu'en sera-t-il vraiment ?

Regis CREPET

Par Regis CREPET, météorologue
mis à jour le

Alors que les températures baissent temporairement en cette fin de semaine, le véritable froid n’est pas encore en vue pour ces 10 prochains jours sur la France. Cependant, avec l’avancée dans la saison, et dans un contexte énergétique tendu, la typologie de notre hiver à venir suscite d’ores-et-déjà de nombreuses questions, la principale étant de savoir s’il sera froid et quel serait alors le mois le plus froid.

Nos prévisions saisonnières, actualisées chaque 10 du mois, faisaient état dans le bulletin du 10 octobre d’un hiver qui serait globalement assez proches des moyennes de saison, ce qui n’était plus arrivé depuis 2017. La prochaine mise à jour confirmera cette tendance, et, à ce jour, nous pouvons d’ores-et-déjà anticiper un hiver plus froid que les derniers, lesquels avaient été très doux en particulier depuis 2018.

A un mois de l'hiver météorologique, et dans le contexte énergétique que nous connaissons, que prévoyez-vous pour la saison 2022-23 ?

Prévisions météo pour l'hiver en France © La Chaîne Météo

Précisons tout d’abord que l’hiver météorologique concerne les mois de décembre, janvier et février.

Les résultats des modèles numériques saisonniers présentent un scénario météo assez unanime concernant notre futur hiver en France, confortant ainsi nos propres prévisions. A l’échelle du trimestre, les températures seraient proches des moyennes de saison (possiblement entre 0 et +0,5°C d’anomalie thermique). En revanche, un déficit pluviométrique se maintiendrait, ce qui serait une mauvaise nouvelle pour la recharge des nappes phréatiques ainsi que des barrages hydroélectriques dont le rôle n’est pas négligeable dans la production d’électricité en France.

Cette prévision trimestrielle n’est pas anodine dans le sens où un hiver « de saison » ne s’est plus reproduit depuis 2017, où le mois de janvier avait été froid et sec (-2°C sous les moyennes). EDF indique par ailleurs que « même dans l’hypothèse d’un hiver normalement froid, nous ne pourrons nous passer de délestage, c’est-à-dire des coupures ciblées ». Néanmoins, RTE se veut rassurant en indiquant, dans un bulletin de septembre, « qu’on n’envisageait que quelques signaux ECOWATT rouge pour les 6 mois de l'hiver, sans risque de risque de black-out ».

Indiquons que de fortes disparités mensuelles peuvent se produire, ce qui est le paramètre le plus important concernant la demande en énergie, notamment le chauffage.

En résumé, nos prévisions envisagent un hiver qui serait à 60% de saison, avec un risque de 10% qu’il soit plus froid, et 30% plus doux (mise à jour du 9 novembre). Rappelons à ce sujet que les températures moyennes en hiver sont de 4 à 12°C les après-midis en janvier, mois statistiquement le plus froid de l’année en France, et de 0 à 5°C pour les températures minimales.

Depuis quand n'avons-nous pas connu d'hiver "froid" ?

La moyenne des 3 mois en France met en évidence une prédominance des hivers plus doux que la moyenne climatique depuis l’hiver 2012-2013, qui fut le dernier hiver froid en France avec une anomalie significative de près de -1°C à l’échelle de l’hexagone. Depuis, les trimestres hivernaux présentent des anomalies positives, mais avec parfois de fortes variabilités mensuelles : ainsi, février 2018 avait été froid et neigeux avec -2,2°C sous la normale. Ensuite, les mois de janvier 2019 et 2021 étaient très légèrement déficitaires (-0,3° et -0,1°C). Tous les autres mois avaient été remarquablement doux, notamment les mois de février 2019 (+2,2°C), 2020 (+3,6°C), 2021 (+2,5°C) et 2022 (+3°C).

La France n’a donc pas connu un hiver entier froid depuis 2012, les autres ayant connu une moyenne dec/janv/fév au-dessus des normales. Cela ne veut pas dire qu'au sein de ces hivers doux il n'y ait pas eu de périodes froides.

Statistiquement, janvier est le mois le plus froid en France. Est-ce que ce sera le cas ?

A ce jour, si le trimestre hivernal s’annonce de saison, donc assez froid pour devoir utiliser durablement le chauffage, reste à savoir comment le froid sera réparti. Notre modèle saisonnier met en évidence un mois de décembre qui serait légèrement plus doux que la moyenne (+0,5°C), ce qui semble exclure du froid rigoureux. La fiabilité est plutôt bonne sur cette prévision.

Le mois de janvier présente, à contrario, un risque hivernal plus marqué. Les températures prévues par notre modèle seraient « dans la normale », mais cela laisse planer un risque de froid marqué passager car janvier est le mois le plus froid de l’année en France. Même en restant dans la normale, la demande en énergie serait tout de même importante. A ce sujet, le mois de janvier dernier avait été également proche de la moyenne mais sans vague de froid (qui se caractérise par une période de 4 jours consécutifs où les températures sont de 4°C au-dessous des normales). Selon RTE, malgré une situation dégradée sur le parc de production, l’approvisionnement avait été assuré sans recours à des moyens exceptionnels car notre pays n’avait pas connu de situation de grand froid. La fiabilité pour ce mois est également assez bonne.

Le mois de février pourrait également être de saison (c’est-à-dire assez froid), mais la fiabilité est nettement plus limitée en raison de la dispersion importante des scénarios des différents modèles de prévision saisonnière.

Les hivers froids tels que nous les avons connus il y a 20 ans sont-ils révolus ?

Les hivers en France © La Chaîne Météo

Depuis 20 ans, les hivers ont connu une profonde transformation en France. Alors qu’une série froide s’est manifestée entre 2009 et 2013, ils sont désormais supérieurs aux moyennes de saison. Cela n’exclut pas des périodes plus froides mais dont les rigueurs ne sont plus comparables aux hivers du XX siècle. Les indicateurs thermiques des hivers depuis 1935, qui indiquent la moyenne au niveau de la France, montrent bien cette évolution : la moyenne décennale des températures des hivers était de 3,9°C jusqu’en 1948, de 4,6°C jusqu’en 1958, de 4,4°C jusqu’en 1968, de 5,4°C jusqu’en 1978, de 5°C jusqu’en 1988, de 5,7°C jusqu’en 1998 et 2008, puis de 6,1°C jusqu’en 2018. Nos hivers se sont réchauffés, en moyenne, de 2°C en France.

Dans une société qui consomme davantage d’années en années, il suffit malgré tout d’un hiver « dans les normales » pour créer des tensions énergétiques, qui peuvent devenir plus problématiques dans la conjoncture actuelle. Il est heureux que la France ne subisse plus les rigueurs des hivers des années 1980, notamment celui de 1985, qui serait désormais au-delà des capacités actuelles du système électrique (1).

Il semble que l’hiver à venir soit donc plus froid que les 6 derniers, ce qui sera sans doute plus problématique sur le plan de la consommation énergétique, mais sans atteindre les rigueurs du dernier hiver froid en 2013. On devra chauffer davantage que ces 3 dernières années où les hivers ont été particulièrement doux. Et on chauffera probablement plus durablement, de décembre à mars, ce qui, si cela se confirme constituerait une mauvaise nouvelle pour le portefeuille des ménages.

(1) Sylvestre Huet, Le Monde

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