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Hiver 2019-2020 : notre première tendance météo

La Chaîne Météo

Par La Chaîne Météo
mis à jour le

Nous sommes à près de deux mois du 21 décembre, début de l'hiver calendaire. Vous êtes nombreux à nous demander si l'hiver à venir sera froid et s'il y aura de la neige en plaine et en montagne, en France. Nous avons interrogé notre expert des prévisions à long terme, Régis Crépet : alors que nous connaissons un automne plutôt doux, nos premiers indicateurs laissent entrevoir une saison hivernale sans froid notable.

1) A deux mois du 21 décembre, y-a-t-il des indicateurs qui nous permettent d'avoir une 1ère idée de l'hiver ?

Régis Crépet : Oui, c’est à partir du mois d’octobre que les premiers indicateurs météorologiques pertinents commencent à apparaître en vue d’établir une tendance pour la saison hivernale à venir. Ces indicateurs sont :

L’extension des surfaces enneigées dans les hautes latitudes (Sibérie, Canada), appelé OPI - Octobre Paterne Index - ou SAI - Snow advance Index.

Les températures de l’océan Atlantique nord (North Atlantic Oscillation) qui peuvent déterminer les vents dominants sur l'Europe.

On commence également à voir comment évoluent les vents dans la stratosphère, notamment au niveau de la zone intertropicale, ce qui peut avoir une incidence pour l’hiver à venir

Enfin, les températures de l’océan Pacifique permettent de savoir si on est en période « El Nino », « La Nina » ou « neutre », ce qui, là aussi, peut influencer l’hiver à venir

A noter que des brusques changements de température dans la stratosphère peuvent permettre d'anticiper des vagues de froid, mais ces signaux ne sont perceptibles que deux ou trois semaines seulement avant leur suvenue

Ces indicateurs nous permettent donc d’avoir une première idée sur les flux dominants qui pourraient régner en France pendant l’hiver. Ces premiers signaux demanderont à être confirmés en novembre, notamment concernant l’extension des surfaces enneigées en Sibérie, lesquelles peuvent influencer la formation ultérieure du fameux anticyclone de Sibérie, vecteur de froid en Europe. Les températures océaniques, ainsi que les vents stratosphériques peuvent servir d’indicateurs sur les flux dominants en Europe, permettant d’envisager les types de temps prépondérants (flux d’ouest doux et humide, flux de nord frais et sec, etc…).

2) L'hiver 2018-2019 avait été marqué par la douceur en France, est-ce qu'on pourrait s'orienter vers un hiver similaire ?

© La Chaîne Météo

Régis Crépet : L’hiver dernier avait en effet été doux sur la France, avec des températures supérieures de +1,3°C sur l’ensemble de la saison malgré un mois de janvier plus froid, légèrement inférieur à la moyenne. Cette année, la majorité des modèles numériques envisage une tendance à nouveau assez douce pour cet hiver, c’est à dire avec des températures globalement supérieures aux moyennes de saison sur les trois mois. Cela n'exclut pas des épisodes intermédiaires de froid passager, mais qui ne seraient donc pas le caractère prépondérant. Les prévisions saisonnières de la Chaîne Météo évoluent désormais progressivement en ce sens.

Parallèlement à cette prévision numérique, les cycles statistiques sont parfois utilisés pour étayer les tendances saisonnières, mais leur fiabilité n’est pas toujours démontrée. Ces cycles mettent en évidence des récurrences d’hivers très froids tous les 40 ans et des hivers modérément froids tous les 5 à 6 ans, en alternance avec des hivers doux. Selon ces cycles, nous devrions sortir de la série actuelle d’hivers doux qui prédominent depuis 2014 en France, mais cela n’est pas confirmé par la prévision numérique évoquée ci-dessus, et surtout, cela peut se produire dans une fourchette de deux ou trois ans.

Les variations d'activité du soleil peuvent aussi influencer le climat : le soleil connaît lui aussi des cycles, déterminés par le nombre de taches solaires. Les taches solaires, qui envoient de l’énergie en direction de la terre, sont plus ou moins nombreuses, et nous sommes actuellement dans un cycle ou le soleil a peu de taches solaires, ce que l’on appelle “minimum solaire”. Ce cycle solaire, très faible, serait propice au retour des hivers froids. Les cycles des hivers répondent en partie au cycle complet solaire d'environ 23 ans. Mais nous observons en Europe également des cycles plus courts de 15/16 ans, voire de 11 ans. Dans les périodes de minima solaire, les hivers sont plus froids. Dans les périodes de maxima solaire, les hivers sont doux.

Il est donc intéressant de constater que la majorité des modèles numériques n’est pas vraiment en phase avec cette tendance statistique cette année. Ces dernières années, la prévision numérique a été plus fiable que l'observation des cycles statistiques.

3) Ce qui intéresse et préoccupe beaucoup les internautes de La Chaîne Météo : est-ce qu'on s'oriente vers un hiver très froid avec de la neige en plaine ?

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Régis Crépet : Les scénarios prépondérants envisagent une situation météo assez proche de celle de l’hiver dernier sur la France, avec des conditions à mi-chemin entre un temps dépressionnaire et un temps anticyclonique. Cette situation n’est propice ni au grand froid ni aux fortes perturbations. Si cette configuration se confirme, nous devrions avoir un hiver tout à fait standard, c’est-à-dire sans grand froid ni épisode marqué de neige en plaine. Par ailleurs, rappelons que le froid et la neige sont deux paramètres qui ne sont pas forcément liés : le froid nécessite des conditions anticycloniques avec des vents continentaux orientés à l’est ou au nord-est, tandis que la neige est plutôt liée à des systèmes dépressionnaires avec des perturbations et des conflits de masses d’air. Rappelons aussi que de brefs épisodes de neige en plaine sont possibles même au sein d’un hiver “doux”, comme nous l’avons vu en janvier dernier.

4) En montagne, a-t-on une idée de ce que nous réserve la saison de ski à cette échéance ?

Régis Crépet : La neige en montagne nécessite un temps perturbé. Cela ne semble pas devoir être le cas en novembre, avec des hautes pressions prédominantes : le temps resterait plutôt sec en montagne. En décembre, quelques perturbations pourraient apporter un enneigement lent à s’épaissir, sauf peut-être sur les reliefs les plus au sud en marge des dépressions méditerranéennes. Ensuite, la tendance en janvier serait plus propice, avant un mois de février plus doux et de la neige plus élevée en altitude. Il se pourrait que cet hiver connaisse un enneigement correct en montagne, mais à des altitudes globalement assez élevées.

5) Que pensez-vous de la croyance qui circule beaucoup ces dernières années : certains pensent qu'il n'y a plus "de vrai hiver". Dans le contexte du réchauffement climatique, y-a-t-il un fond de vérité ?

© La Chaîne Météo

Régis Crépet : Oui je le pense. Il suffit d’observer la courbe d’évolution des températures hivernales en France depuis 1900 pour constater que les hivers sont de moins en moins froids et que les hivers doux sont de plus en plus nombreux. Les cycles naturels oscillent environ tous les 40 ans pour les grands hivers, et tous les 5 à 6 ans pour les hivers habituels. Actuellement, nous sommes dans une séquence douce depuis 2014, et selon les statistiques, nous devrions en sortir cette année ou l’année prochaine. Rappelons que les années 2005 à 2013 ont connu des hivers froids en France avec parfois d'abondantes chutes de neige en plaine, et indiquons aussi que même au sein des hivers doux, des vagues de froid d'intensité modérée se sont produites, comme en janvier 2017 et février 2018.

Néanmoins, la physionomie de ces cycles pourrait évoluer car on observe une tendance de fond au réchauffement des hivers en France. Les hivers les plus froids ont été observés au début du 20ème siècle, puis dans les années 1940, 1960 et 1980. Depuis, les cycles froids se poursuivent, mais avec une intensité moins forte qu’au XXème siècle. Le réchauffement climatique contemporain est sans doute l’acteur principal de cette tendance, mais d’autres causes connexes, comme l’urbanisation, l’influence des cycles naturels, le volcanisme, peuvent avoir un impact.

6) Concernant la sécheresse, peut-on espérer de bonnes pluies pour éviter une sécheresse hivernale ?

Régis Crépet : La configuration majoritaire de l’hiver pourrait être une “bordure anticyclonique”, c’est-à-dire à mi-chemin entre les dépressions situées sur l’Atlantique nord et celles positionnées en Méditerranée. Certes, la situation s'est améliorée en octobre sur le front de la sécheresse. Mais pour la France, cela ne serait pas propice aux fortes perturbations. Pour bénéficier de pluies plus nombreuses et abondantes durant cette période, il faudrait qu’un flux d’ouest s’installe durablement sur la France (flux zonal) ce qui nous n’envisageons pas pour le moment. Les pluies ne seraient donc pas suffisantes pour renflouer les nappes phréatiques, ce qui pourrait devenir problématique au moment d’aborder le prochain été. Il est à ce titre important de noter que l’hiver est la période pendant laquelle les précipitations (pluies et neiges) sont les plus efficaces, car, en l’absence de végétation et de chaleur, l’eau ne s’évapore pas et s’infiltre dans le sous-sol. Les nappes profondes, dites « phréatiques », peuvent alors se remplir pendant les semaines hivernales. Quant aux neiges de montagne, en fondant au printemps, elles participent aussi à la recharge de ces nappes.

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