Vendanges 2019 : l'influence de la météo extrême de l'été
Alors que les vendanges débutent dans certaines régions de France, La Chaîne Météo a interrogé son spécialiste en agroclimatologie, Cyril Bonnefoy, sur les conséquences des canicules et des violents orages sur le vin de cette rentrée 2019.
Quelles sont les conditions météo idéales pour avoir des vendanges réussies ?
Cyril Bonnefoy : L’idéal est que la saison débute avec un printemps plutôt arrosé, mais sans trop d’excès afin de limiter le risque de développement de maladies (type mildiou). Un bon développement des fruits et une bonne maturation des raisins seront ensuite favorisés par un été plutôt chaud et sec. Il est également préférable que les nuits des semaines précédant la vendange soient suffisamment fraîches afin que les arômes puissent pleinement se développer au sein des raisins. En effet, une période caniculaire avec des nuits tropicales (supérieures à 20°C) peu avant la vendange serait dommageable pour la vigne, bloquant ainsi certains mécanismes de la phase de maturation. Des amplitudes thermiques importantes entre le jour et la nuit sont un gage de qualité pour les raisins et le vin.
Comment la météo a-t-elle traité les vignes lors de cette année 2019 (orages, sécheresse…) ?
Cyril Bonnefoy : La saison végétative (de croissance) de la vigne s'étale sous nos latitudes du mois de mars à septembre. Cette année, après un printemps humide avec des gelées tardives, les températures sont parties subitement à la hausse à la mi-juin avec une canicule exceptionnelle la dernière semaine du mois, en particulier en Languedoc avec des valeurs proches de 45°C à l’ombre le vendredi 28 juin. Cette chaleur excessive a causé de nombreux dommages à la vigne puisque cette dernière bloque sa photosynthèse au-delà du seuil de 35°C. Certains plants de vigne ont radicalement brûlé et desséché sur place. Les très fortes chaleurs ont perduré tout au long du mois de juillet avec des nuits particulièrement étouffantes (supérieures à 22-23°C) et des journées fréquemment autour de 35 à 40°C. Si la vigne aime être stressée hydrologiquement parlant, une sécheresse trop marquée peut devenir néfaste à son développement. Enfin, plusieurs vagues orageuses se sont succédé depuis le début de l’été, parfois violentes. De nombreux vignobles de la Provence à la vallée du Rhône ont essuyé de nombreux dégâts et pertes. Cette année 2019 et donc riche en évènements climatiques extrêmes et n’a donc pas ménagé nos vignobles.
Vignes brûlées par la canicule sans précédent dans le sud-est de la France (28 juin 2019)
© Twitter/Météo Languedoc
On parle souvent de l’influence du changement climatique sur la date des vendanges : les vendanges sont-elles effectuées « à l’heure » cette année, ou bien sont-elles en retard ou en avance ?
Cyril Bonnefoy : Les vendanges s’effectueront cette année plus tardivement que l’année dernière, 2018 ayant été une année particulièrement précoce. Les fortes chaleurs, parfois extrêmes ont retardé la maturation du vignoble. Les dates de vendanges devraient donc se rapprocher de la moyenne pour ce millésime 2019. Certaines vendanges ont déjà débuté au début du mois d’août dans l’Aude (Fitou) mais la plupart des parcelles du Languedoc seront récoltées cette deuxième quinzaine d’août pour les blancs et début septembre pour les rouges. En Champagne, les vendanges devraient commencer à la mi-septembre. Il n’y a vraiment que dans le Bordelais où la récolte devrait se dérouler à peu près autour des mêmes dates que l’année dernière, c’est-à-dire entre fin août et début septembre. Il faut dire que le vignoble bordelais a souffert moins longuement des très fortes chaleurs.
© La Chaîne Météo
Lors des années où les vendanges sont effectuées en avance, est-ce un problème ? Quelle est la conséquence sur le vin ?
Cyril Bonnefoy : Si la vigne est trop en avance, la phase de maturation se déroule précocement dans l’été et donc les raisins mûrissent sous des conditions potentiellement plus chaudes. Ceci n’est pas vraiment favorable à une bonne synthèse aromatique et donc à la production de vin de qualité.
Finalement, la qualité sera-t-elle au rendez-vous pour ce cru de la rentrée 2019 ?
Cyril Bonnefoy : Il est difficile de répondre clairement à cette question. De grandes disparités devraient exister selon les régions. Une chose est sûre, dans de nombreuses régions, les rendements seront en baisse par rapport à l’année dernière, du fait des différents aléas climatiques qui ont pu se succéder (gel, canicule, sécheresse, grêle …). Il semble toutefois que la qualité soit au rendez-vous, du fait d’un été globalement chaud et d’un bon ensoleillement, sans que 2019 n’atteigne toutefois le niveau qualitatif de 2018.
Dans quelle mesure les viticulteurs sont-ils touchés par le changement climatique et si oui, comment peuvent-ils s'adapter ?
Cyril Bonnefoy : Les différents scénarios du GIEC (Groupe Intergouvernemental d’Expert sur le Climat) prévoient une hausse de 1,5 à 4,5°C en France d’ici à 2100. L’un des scénarios médians prévoit une hausse moyenne de 2°C, seuil pour lequel les viticulteurs auront encore des marges d’adaptation, notamment en modifiant leurs pratiques culturales (date de taille, enherbement, effeuillage …) . Au-delà des 2°C de hausse, les marges de manœuvre seront plus étroites et certaines régions, notamment du sud de la France pourraient envisager des solutions plus radicales comme le changement de cépages.
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