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Épisodes cévenols : le dossier

Regis CREPET

Par Regis CREPET, météorologue
mis à jour le

Les épisodes cévenols sont un phénomène destructeur récurrent dans le sud-est de la France. Comment se forment-ils et quel dangers représentent-ils ? Découvrez le dossier de La Chaîne Météo.

Le climat méditerranéen est constitué de contrastes alternant de longues périodes de sécheresse et d’intenses épisodes pluvieux qui reviennent souvent à la même période de l’année : l’automne. Ce phénomène récurrent est appelé « mousson méditerranéenne » par les géographes, même si le terme « mousson » évoque de prime abord le climat de l’Inde. Et pourtant, d’autres climats présentent des similitudes, comme le sud des Etats-Unis, et dans une moindre mesure la Méditerranée. C’est dans ce contexte que le sud-est de la France affronte à cette époque de l’année des crues souvent dévastatrices.

© La Chaîne Météo

Un climat propice aux phénomènes météorologiques violents

Chaque année, à la fin de l’été, les eaux de la Méditerranée sont au plus chaud (souvent entre 24°C et 27°C). Dans le même temps, les premières descentes d’air frais en provenance du nord de l’Europe se produisent : ce contexte général entraîne une intense évaporation et un conflit de masses d’air, propices à la formation d’orages souvent stationnaires. Lorsque de surcroit, le vent marin remonte vers la France et ses reliefs, il force l’air à s’élever et à se refroidir et entraîne une forte condensation. Ce principe est fréquent sur les Cévennes (d’où le terme souvent utilisé d’épisode cévenol) mais il se produit de manière générale sur toutes les montagnes qui surplombent la Méditerranée comme les Pyrénées-Orientales, les Alpes du Sud, les Cévennes…On retrouve les mêmes causes et les mêmes effets sur les côtes espagnoles et italiennes.

Des sols secs : un facteur aggravant

Les épisodes pluvieux qui surviennent après les sécheresses estivales sont réputés comme étant les plus dangereux. Les eaux ruissellent sur des sols durs qui n’absorbent pas au-delà d’un certain seuil d’intensité de pluies (généralement à partir de 30 mm/heure). Mais ce n’est pas le seul facteur de risque. Ainsi, un épisode bref et intense qui se produit sur des sols déjà saturés peut provoquer également une crue brutale.

© La Chaîne Météo

Les catastrophes de Nîmes et de Vaison La Romaine

Les épisodes méditerranéens ont été nombreux dans la décennie 1990 et parfois très dévastateurs et meurtriers. Le plus marquant est la tragédie de Vaison La Romaine (Vaucluse), survenue le 22 septembre 1992, qui fit 41 morts. Auparavant, le 3 octobre 1988, la ville de Nîmes connut des inondations « éclairs » du même type, mais en milieu urbain. Dans la nuit du 2 au 3 octobre 1988, des orages stationnaires se sont déclenchés sur la partie nord de Nîmes, sur les premières collines. Bien alimentés en humidité poussée par le vent du sud venu de Méditerranée, ces orages se sont régénérés sans cesse.

Les météorologues utilisent le terme d'orages en « V » pour caractériser cette formation bien visible sur les images satellites , car ils forment un amas nuageux en forme de « V ». Ils ont provoqué sur la région d’intenses cumuls de pluies en 12 heures, avec notamment 420 mm au Mas de Ponge dont 220 mm en 3h30. Toute cette eau s'est écoulée dans les petits ruisseaux et cadereaux (généralement à sec) qui traversent la ville (partiellement en souterrain). Cependant, ce réseau ne supporta pas la surcharge et de véritables torrents déferlèrent en centre-ville avec parfois 2 m d’eau boueuse. De nombreuses voitures furent emportées. Le bilan fut tragique avec 11 victimes.

© La Chaîne Météo

La crue meurtrière de Cannes

L’année 2015 fut assez active concernant les orages méditerranéens.

Le cas de Cannes en octobre 2015 présente des effets semblables à la catastrophe de Nîmes, bien que le processus météorologique ne fut pas le même. Il s’agissait ici d’orages très violents à déplacement lent, mais non bloqués par les reliefs. Ces orages ont migré lentement depuis les Bouches du Rhône jusqu’aux Alpes-Maritimes. Dans la soirée du 3 octobre 2015, l’intensité remarquable des pluies durant 3 heures a provoqué de violents ruissellements accentués par la proximité de reliefs. Trois heures d’orages auront entrainé 180 mm de pluie à Cannes, dont 107 mm en une heure, causant des inondations dans 5 communes limitrophes et fait 20 victimes, dont 12 noyées dans leur véhicule garés en parkings souterrains et tunnels urbains.

Fin août 2015, l’Hérault avait déjà subi de très violents orages avec un record de pluie tombé en 1 heure : 108 mm à Montpellier qui inonda une partie de la ville

La France paie donc un lourd tribut à ces épisodes brutaux. Dans une thèse de géographie révisée en 2015, le géographe Laurent Boissier a estimé à plus de 200 le nombre de personnes qui ont perdu la vie dans le Sud de la France lors de ces 25 dernières années, suite à des inondations exceptionnelles (Vaison-la-Romaine en 1992, le département de l'Aude en 1999, celui du Gard en 2002, du Var en 2010…) .

Doit-on redouter de tels épisodes cette année ?

Depuis 2006, les épisodes cévenols sont devenus moins fréquents, malgré quelques violents sursauts en 2014 et 2015. Il faut y voir une relation de cause à effet avec l’activité cyclonique en Atlantique, car, en météorologie tout est lié selon le principe des vases communicants. Lorsque les anciens ouragans parviennent sous forme de tempêtes au large de l’Europe, ils favorisent la formation de dépressions sur le nord du bassin méditerranéen et le renforcement des vents du sud et par conséquent le développement d'épisodes méditerranéens.. Il n’y a donc pas que la température de l’eau de mer à prendre en compte.

Cet automne 2017 ne semble pas présenter de signaux particulièrement forts concernant l’occurrence de ces intempéries. Selon nos prévisions saisonnières, les configurations à Mistral seront prédominantes et maintiendront, dans l'ensemble, une situation de sécheresse persistante sur ces régions. Néanmoins, la recrudescence des ouragans sur l’Atlantique nord doit nous inciter à la prudence. Même si la saison commence tardivement cette année, on en peut pas exclure le risque de développement de quelques épisodes fortement pluvieux en novembre et décembre (voir nos prévisions saisonnières).

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