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Orages, pluie, gouttes froides : pourquoi le beau temps est sans cesse repoussé ?

Regis CREPET

Par Regis CREPET, météorologue
mis à jour le

Alors que le printemps a été le 4ème le plus pluvieux en France depuis 1959, le beau temps n'arrive toujours pas à s'installer sur notre pays avec des prévisions météo très changeantes. Comment expliquer une telle situation et ce manque de fiabilité des prévisions cette année ?

Orages, pluie : l'arrivée du beau temps est sans cesse repoussée © Adobe Stock (image d'illustration)

Il ne vous aura pas échappé que ce printemps a été maussade sur la France surtout depuis avril. Malgré des températures globalement supérieures aux moyennes de saison, la fréquence des pluies et le manque d'ensoleillement ont plombé le moral des français. Pire, alors, que l'été calendaire vient de débuter ce jeudi 20 juin avec le solstice, les averses se prolongent encore une bonne partie du week-end.

A ce constat s'ajoutent aussi des prévisions météo très changeantes, souvent remises en cause, notamment concernant le retour du beau temps, sans cesse repoussé. Attendu pourtant par les agriculteurs qui n'arrivent pas à finir les foins, par les acteurs du tourisme à l'approche des grandes vacances, le soleil et la chaleur font de fugaces apparitions vite balayées par les "gouttes froides". Ce terme, très en vogue cette année, est le grain de sable qui enraye le mécanisme atmosphérique et qui grippe les prévisions.

Une récurrence atypique de "gouttes froides" depuis le mois d'avril

Circulation des gouttes froides vers la France © La chaine Météo

Il faut comprendre que les modèles numériques élaborent vos prévisions météorologiques sur la base d'observations puis de calculs à l'échelle planétaire. Les grands vents d'altitude, le "jet stream", y sont représentés ainsi que les masses d'air, en vue de prévoir le temps qu'il fera sur notre pays. Si, à l'échelle de l'hémisphère, l'atmosphère est instable avec des anomalies, cela complique les calculs et rend plus aléatoires les prévisions, surtout à une échelle locale. C'est ce qui se passe depuis ce printemps sur notre pays.

Les "gouttes froides" sont des décrochages d'air polaire, plongeant vers le sud, pilotées par le jet-stream. Ces fluctuations très aléatoires peuvent se produire partout (continent nord-américain, océan Atlantique, Europe de l'ouest, Eurasie). Par effet de vases communicants, ces descentes d'air frais sont contrebalancées par des remontées d'air brulant. C'est ce qui se passe en ce mois de juin, où de l'air caniculaire remonte durablement sur l'Italie et la Grèce, alors que l'air frais issu d'Islande concerne les Îles Britanniques, une grande partie de la France et de la péninsule ibérique.

Depuis le mois d'avril, on assiste à une récurrence inhabituelle de gouttes froides plongeant vers la France et la Méditerranée, entraînant pluies et orages. En temps normal, nous devrions assister à une alternance d'améliorations et de perturbations, ce qui caractérise nos climats tempérés, mais cette année, les anticyclones n'arrivent pas à s'imposer sur notre pays, et le défilé des perturbations a provoqué ce printemps "pourri".

L'anticyclone n'arrive pas à s'installer

Les anticyclones sont des "dômes d'air stable", synonymes de temps sec et ensoleillé. Le plus connu est celui des Açores, situé au large atlantique. Généralement, à la belle saison, il s'étend vers l'Europe et apporte le beau temps. Cette année, il n'a pas réussi à regonfler suffisamment pour bloquer la route aux gouttes froides. Lorsque cela s'est produit, les améliorations ont duré 2 à 3 jours avant l'arrivée d'une nouvelle goutte froide.

Les ondulations du jet-stream, responsables de cette situation ?

Les ondulations du jet stream responsables du mauvais temps ? © La chaine Météo

Les grands vents soufflants en haute altitude autour de la planète pilotent les perturbations et canalisent les masses d'air. Alors que d'ordinaire, le jet stream souffle régulièrement d'ouest en est, on constate depuis une quinzaine d'années qu'il effectue de grands méandres, descendant vers le sud et remontant vers le nord. En conséquence, certaines parties du globe sont sous l'influence des vents du sud brulants (comme ce fut le cas en France pendant les étés 2019 et 2022 par exemple) ou sous l'influence des vents frais soufflant du nord-ouest, comme actuellement. Ce constat permet d'expliquer la météo actuelle, mais des études sont en cours pour connaître les raisons plus profondes de cette évolution du jet-stream dans le contexte du changement climatique.

Pourquoi le retour du beau temps est sans cesse annoncé et repoussé ?

C'est la question que vous nous posez très souvent. Puisque le principe général est compris, pourquoi alors les prévisions sont si volatiles ? La principale raison est la complexité à prévoir les décrochages d'air polaire, et donc la formation des gouttes froides, suffisamment à l'avance. Les modèles numériques élaborent un scénario météo plusieurs fois par jour. Mais, lorsqu'une goutte froide se détache de la zone arctique, il faut plusieurs heures pour que les modèles intègrent cette nouveauté à leurs calculs. Ce temps de réaction permet à la goutte froide de prendre de l'avance et d'être modélisée plus tard, aboutissant à un changement rapide de la prévision initiale.

Combien de temps va persister cette situation ?

Prévisions du modèle européen pour la semaine du 8 au 14 juillet © EFFIS

Cette récurrence de gouttes froides semble devoir persister encore. Certains modèles numériques anticipent déjà cette possibilité, notamment le modèle européen ECMWF qui prévoit une anomalie fraîche jusqu'à la mi-juillet au moins, à l'image de notre tendance à 4 semaines. Les températures pourraient rester inférieures aux moyennes de saison sur notre pays, avec des précipitations orageuses fréquentes. Cela n'augure en rien la suite de l'été, mais au vu de ces prévisions à long terme, le risque de fortes chaleurs durables semble repoussé à la fin juillet ou en août.

Au total, la situation de cette année 2024 a permis le bon remplissage des nappes phréatiques, clôturant deux années de sécheresse. De plus, nous échappons durablement à la canicule en France. Ces deux avantages indéniables n'effacent cependant pas le mauvais ressenti général, les dégâts liés aux intempéries et de possibles mauvaises récoltes en certaines régions.

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