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Qu'est-ce qui rend la prévision des orages si difficile ?

Sébastien POITEVIN

Par Sébastien POITEVIN,
mis à jour le

Si le potentiel orageux d’une situation peut être assez bien anticipé plusieurs jours à l’avance à l’échelle d’une région ou d’un département, la prévision d’un orage sur une commune reste cependant très compliquée, y compris le jour même.

Les orages sont des phénomènes complexes à prévoir © La Chaîne Météo

La prévision des orages est un exercice ardu qui nécessite de bien connaître à l'instant t l'état de l'atmosphère (vent, températures, humidité, etc.), notamment dans la couche atmosphérique proche du sol où il existe de fortes disparités liées au relief, à la nature du sol et au couvert végétal.

Première étape : prévoir où et quand ils se forment

Pour qu'un orage se forme, il faut tout d'abord qu'il y ait de la convection, c'est-à-dire que la chaleur accumulée dans les basses couches de l'atmosphère soit transportée plus en altitude.

Cela nécessite de l'instabilité, quantifiée par ce que l'on appelle l'énergie potentielle de convection disponible (CAPE). De manière simplifiée, plus l'air est chaud en surface et froid en altitude, plus l'atmosphère est instable et plus la CAPE est élevée.

Il faut aussi un apport d'humidité, car c'est la condensation de l'eau qui permet la formation du nuage (le cumulus, puis le cumulonimbus) et qui apporte son énergie à l'orage.

Enfin, la convection doit affecter une épaisseur suffisante de l'atmosphère pour que les différents types d'hydrométéores (ensemble des gouttes d'eau et des particules de glace en suspension dans l'air) à l'origine de l'activité électrique dans le nuage soient présents.

Mais parfois l'air est stable près du sol (on parle d'inhibition convective ou CIN). Il faut alors un mécanisme supplémentaire (ou "forçage") pour fournir l'énergie nécessaire au soulèvement de l'air jusqu'à une certaine altitude (altitude convection libre ou LFC) où il peut alors s'élever de lui-même, du fait de la différence de densité.

Ce forçage peut être réalisé par une ascendance au vent d'un relief, une convergence des vents en surface (front froid, front de brise) ou, à l'inverse, par une divergence des vents en altitude (courant jet), un apport d'humidité ou simplement l'ensoleillement.

Si l'inhibition est faible, alors l'énergie emmagasinée près du sol sera libérée prématurément et sera donc potentiellement moins importante, favorisant l'éclosion sporadique d'une multitude d'orages. Dans ce type de situation, la prévision d'orage est plus fiable, car les orages éclatent facilement et sont plus nombreux : les chances qu'un observateur en rencontre un sont donc plus élevées.

À l'inverse, avec un forçage suffisant, une inhibition plus importante retardera le développement des orages qui seront alors moins nombreux. Dans ces cas-là, la prévision d'orages est plus hasardeuse, car il est difficile de dire où et à quelle heure ils éclateront.

Enfin, à moins d'un puissant forçage, une inhibition trop forte empêchera tout orage.

Les erreurs de prévisions d'orage proviennent souvent d'une mauvaise quantification des forçages en présence et/ou à une sous-estimation de l'inhibition et une surestimation de l'énergie potentielle de convection disponible, toutes deux dues à des erreurs parfois infimes de prévisions de températures et d'humidité près du sol (un ou deux degrés suffisent).

Les orages modifient leur environnement

La formation des orages © La Chaîne Météo

Pour corser le tout, les orages modifient l'environnement proche dans lequel ils évoluent. L'étalement au sol du courant descendant généré par les précipitations peut initier de nouveaux orages là où les conditions initiales ne le permettaient pas. À l'inverse, l'étalement en altitude de l'enclume nuageuse d'un orage limite l'ensoleillement, la hausse des températures et donc l'instabilité, ce qui peut retarder, voire empêcher, le développement de nouveaux orages.

Prévoir leur durée de vie et leur intensité

L'intensité et l'organisation des orages peuvent varier rapidement dans le temps et l'espace. Elles sont modulées à la fois par l'instabilité et le cisaillement de vent (changement de vitesse et/ou de direction des vents avec l'altitude).

Une faible instabilité et un faible cisaillement de vent favorisent des orages isolés, peu mobiles, de courte durée de vie et la plupart du temps sans conséquence.

À l'inverse, une instabilité plus marquée et un fort cisaillement de vent donnent lieu à des orages plus organisés et de ce fait potentiellement violents, pouvant se déplacer à plus de soixante kilomètres par heure, dévaster plusieurs régions ou au contraire stationner au même endroit durant plusieurs heures, engendrant de terribles inondations.

D'une superficie pouvant alors atteindre jusqu'à plusieurs centaines de kilomètres carrés, ils peuvent être constitués de zones très actives - caractérisées par une activité électrique incessante, de fortes averses de pluie, de grêle ou de violentes rafales - et de zones moins actives, à leur périphérie, où les conditions météo y sont plus clémentes, avec notamment des pluies plus régulières (pluies stratiformes) d'intensité faible à modérée, sans tonnerre ni éclair, où un observateur constatera l'absence d'orage.

Prévoir leur trajectoire

Une fois que l'on sait où l'orage se forme, il faut anticiper sa trajectoire. En effet, il ne se propage pas de la même façon suivant qu'il évolue dans un environnement faiblement cisaillé ou fortement cisaillé. Sa trajectoire peut même évoluer durant son cycle de vie, à mesure que sa structure évolue elle aussi, passant d'un orage monocellulaire (orage classique, constitué d'une seule cellule convective) à un orage multicellulaire (ensemble de plusieurs cellules convectives qui interagissent entre elles et qui sont chacune à des stades de formation différents) ou supercellulaire (orage caractérisé par la présence d'un courant ascendant persistant, en rotation sur une épaisseur significative du nuage).

Ainsi, même si des orages sont prévus dans une région, il reste difficile de dire quelles communes seront véritablement concernées : certaines peuvent l'être alors qu'elles n'auraient pas dû l'être et inversement, ce qui peut ainsi laisser penser à des erreurs de prévision.

Les limites de la modélisation numérique de prévision du temps

Bien que des modèles numériques de précision kilométrique soient capables de décrire explicitement la convection, ils ne permettent pas pour autant de déterminer avec précision la localisation des orages et leur intensité, mais seulement d'identifier les zones géographiques qui réunissent les conditions favorables de leur développement.

C'est pourquoi, en dehors des situations évidentes où il ne peut pas y avoir d'orage, car aucun des ingrédients (instabilité, humidité et forçage) n'est réuni, la plupart des modèles permettent uniquement de prévoir les conditions moyennes de températures et d'humidité dans une région donnée, et la probabilité que ces dernières favorisent le développement d'orages (probabilité d'occurrence d'orage ou "risque d'orage", exprimé en pourcentage).

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