Qu'est-ce que l'effet de Foehn, ce vent sec et chaud qui modifie le climat ?
Le foehn est un phénomène météorologique caractéristique des régions situées proches des reliefs. Ce terme désigne un vent sec et chaud descendant d’une chaine de montagne, après l'avoir escaladé. L’ensemble du processus est ainsi appelé « effet de foehn ». Outre son effet sur les températures, l’effet de foehn peut provoquer de très violentes rafales de vent occasionnant de véritables tempêtes. En cela, on peut dire que le foehn est une anomalie climatique régionale.
Mécanisme du foehn : ascendance, assèchement et réchauffement
De l'allemand Föhn, issu du latin favonius (« vent doux »), le foehn, bien connu des habitants des régions piémontaises, c'est-à-dire situées au pied des montagnes, désigne la chaleur et la turbulence de l’air descendant des massifs, s’accompagnant souvent de magnifiques nuages ondulants, en forme de lentilles. Mais, avant de descendre d’un massif montagneux, ce vent l’a d’abord escaladé sur l’autre versant, sous la pluie et la fraîcheur. Le processus est donc assez vaste et ne saurait se résumer à la chaleur du versant « sous le vent ».
Si le foehn est souvent associé à un flux de sud, en particulier pour les Pyrénées et les Alpes, il se produit de la même façon avec un flux d’ouest (Massif Central, Vosges, Jura et Corse) et même orienté au nord-ouest (Pyrénées espagnoles). Il faut que la montagne face barrage au flux dominant.
Comment se forme le Foehn ?
Bien qu’il s’agisse d’un vent chaud, le foehn se produit surtout en période hivernale, au moment où les dépressions sont les plus creuses et où les mouvements de masses d’air sont les plus puissants. Ainsi, les vents qui franchissent les reliefs sont plus forts, renforçant l’effet du foehn.
Le relief force l’air à s'élever (effet « orographique). Ce faisant, l’air se refroidit en prenant de l’altitude, et condense. Il perd environ 1°C par 100 mètres jusqu’au moment de la saturation de l’air en humidité, puis 0,5°C ensuite jusqu’à la crête, sous la pluie. Les nuages se forment et se bloquent perpendiculairement à la chaine de montagne. Les précipitations les plus intenses tombent donc le long de la ligne de crête. Puis, en franchissant le relief, l’air va redescendre de l’autre côté, à la façon d’un barrage qui déborde. Ce mouvement de compression va provoquer un assèchement (adiabatique sèche), et un réchauffement. La température s’élèvera plus vite qu’elle n’a baissé de l’autre côté (environ 1°C par 100 m de dénivelée). Au total, la masse d’air se réchauffe plus qu’elle ne se refroidit. C’est le principe de la « pompe à vélo » qui chauffe par compression de l’air.
Le foehn sculpte les nuages, qui sont reconnaissables et souvent spectaculaires. La ligne montagneuse est bouchée par une muraille nuageuse visible de très loin (le « mur de foehn »), marquant la limite où l’air redescend et s’assèche, évaporant le nuage. Mais, les vents de haute altitude qui franchissent la montagne subissent une déformation, formant des ondes et des tourbillons. Cela façonne les nuages « lenticulaires », très reconnaissables, ressemblant à des soucoupes volantes. Ces ciels sont particulièrement esthétiques lorsqu’ils sont éclairés par le soleil levant ou couchant.
Chaleur, tempête et sècheresse : les signatures du Foehn
La spécificité du foehn est d’assécher et de chauffer une masse d’air par compression. Il est donc associé à une brusque flambée du thermomètre dans un contexte d’air très sec, sur le versant « sous le vent ». De plus, l’air dévale les montagnes souvent avec force en raison du différentiel de température et la compression, faisant baisser la pression atmosphérique sous le vent et renforçant l’appel d’air (principe du vent de déferlement et de tourbillonnement), en s’engouffrant aussi dans les vallées, notamment dans les Pyrénées. Au sommet des crêtes, le foehn s’accélère encore davantage (« effet venturi »), pouvant dépasser 200 km/h sur les Pyrénées.
Le foehn agit aussi sur le taux d’humidité de l’air. Sur le versant « au vent », l’air atteint la saturation avec les précipitations (de 50 à 100%), alors que sous le vent, l’assèchement est spectaculaire, avec un taux d’humidité descend parfois à 10 ou 15%. Cet assèchement s’accompagne de la hausse rapide des températures, qui peuvent, lors d’une journée de foehn, grimper d’une vingtaine de degrés. Ainsi, les coups de vent les plus forts dans les vallées et au pied des montagnes sont souvent enregistrés lors des coups de foehn. À ce sujet, le passage de la tempête Xynthia entre les 27 et 28 février 2010 a provoqué, à l’avant, un puissant flux de sud suivi d’une bascule à l’ouest, provoquant de puissantes rafales de vent de foehn (146 km/h à Luchon (Haute-Garonne). Autre exemple, un coup de foehn soufflant de l’ouest dévalant la chaîne des Puys, a provoqué un record de vent à Clermont-Ferrand (127 km/h) le 4 février 2017.
Quant aux précipitations, elles varient du simple au triple entre les versants « au vent » et « sous le vent », comme pour le cas des Vosges, où la pluviométrie moyenne en janvier est de 156 mm à Vagney (versant ouest des Vosges) et seulement de 33 mm à Colmar (68), située de l’autre côté dans la plaine d’Alsace, qui est l’une des villes les plus sèches de France.
En montagne, le foehn est nommé « le mangeur de neige » (le Schneefresser) car son action rabote à grande vitesse le manteau neigeux, le faisant parfois disparaître en 24 heures à moyenne altitude (action conjuguée du vent, de l’air sec et du réchauffement). Il favorise également des départs de feux en raison de la sécheresse de l’air et de la force du vent, et augmente le risque d’avalanche en haute montagne. Le foehn est donc synonyme de danger en montagne.
Le foehn est parfois appelé le « vent qui rend fou », car son aspect turbulent est pénible à supporter. Selon des croyances populaires, Il peut provoquer des migraines et des psychoses. Une étude de l’université de Munich (Allemagne) a trouvé une augmentation de 10% des suicides et accidents en période de foehn en Europe. En Californie, le vent de » Santa Ana », un puissant effet de foehn, est appelé le « vent du meurtre ».
Quand le Foehn sculpte les paysages et modifie l’occupation des sols
L’histoire de l’occupation des sols en montagne révèle une adaptation au foehn. Il a des vertus positives, permettant l’implantation des vignes sur le versant alsacien des Vosges car il y fait plus doux et sec que de l’autre côté. Outre son effet néfaste sur la neige en montagne, il présente aussi un danger pour les alpinistes, avec un effet de déshydratation marqué à cause de la sécheresse de l’air. Les contraintes liées au foehn se retrouvent jusque dans la végétation et l’architecture de l’habitat en montagne, où l’on observe de grandes différences entre les versants « au vent », frais, humides et pluvieux, souvent occupés par les forêts. Le versant « sous le vent », où le climat est plus chaud, pus lumineux, est quant à lui cultivé avec un habitat plus dense. Cela est particulièrement marqué pour les Vosges.
Tour du monde des Foehns : Des Alpes à la Patagonie
À l’origine, le mot « foehn » s’est d’abord historiquement appliqué aux pays alpins : Italie du Nord, suisse, Autriche et France, dans le contexte d’un flux de sud franchissant la chaîne. Mais les météorologues ont constaté que ce principe se produisait de la même façon sur les autres reliefs, et sans forcément que le vent souffle du sud, l’essentiel étant que le vent arrive perpendiculairement au relief.
En France, on trouve des effets de foehn sur tous les reliefs. Même le massif armoricain génère un foehn en Bretagne, lorsque le vent du sud remonte du golfe de Gascogne. Dans ces conditions, il pleut sur le Morbihan, puis l’air franchit les collines de la Montagne Noire et des Monts d’Arrée, pour s’assécher et se réchauffer sur la côte Nord, avec jusqu’à 5 ou 6°C de différence. Les Pyrénées, perpendiculaires au flux de sud, sont le cas le plus typique du foehn, de même que les chaines du Massif Central qui bloquent les flux d’ouest (chaine des Puys, monts du Forez et Cévennes).
Les effets de foehn se retrouvent partout sur la planète dès que les conditions géographiques et météorologiques sont remplies, comme en France.
En Amérique du Nord, les effets de foehn les plus connus sont le Chinook, qui souffle sur l’est des montagnes Rocheuses et qui peut faire monter les températures de 30°C dans la région de Calgary (Alberta) en plein hiver, faisant fondre la neige.
En Californie, les vents descendant des montagnes rocheuses provoquent des coups de chaud sur le littoral : le Diablo dans la région de San Francisco, et le Santa Ana dans la région de Los Angeles.
En Amérique du Sud, la Cordillère des Andes est propice à la formation de nombreux effets de foehn, notamment en Patagonie (sud du Chili) avec le « Puelche » et le « Zonda » en Argentine. Ces foehns sont provoqués par les grands vents d’ouest dominants qui franchissent la Cordillère vers l’est.