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Sécheresse : une situation différente de celle de 1976

Regis CREPET

Par Regis CREPET, météorologue
mis à jour le

La sécheresse de 1976 figure parmi les épisodes secs les plus intenses qu’ait connu la France depuis la seconde moitié du XXème siècle. Elle a frappé l’Europe du nord-ouest dès l’automne 1975, et s’est poursuivie jusqu’en août 1976. Un large tiers nord de la France a été sinistré, ruinant le secteur de l’agriculture et de l’élevage. Si la situation actuelle peut sembler similaire de prime abord, il y a cependant des différences de fond importantes.

Si les plus grandes sécheresses survenues en France sont antérieures à 1950, avec notamment celles des années 1921, 1929, 1945 et 1949, celle de 1976 a durement marqué les esprits en causant d’énormes pertes dans le secteur agricole et l’élevage, mais surtout une surmortalité avec 4 500 décès d'après un rapport de Santé Publique paru en avril 2019. Le gouvernement de Valéry Giscard d'Estaing avait instauré un impôt exceptionnel pour venir en aide aux agriculteurs, connu sous le nom « d’impôt sécheresse ».

En ce début mai, la situation météo en France présente des points communs, tout comme en 2011, dernière année remarquablement sèche au printemps. Mais l’analyse de ces deux années montre tout de même de réelles différences.

1976 : une sécheresse qui avait débuté dès octobre 1975

La sécheresse de 1976 avait été beaucoup plus sévère que cette année, car elle avait débuté dès le mois d’octobre 1975 au nord de la Loire. Or, en cette année 2022, le déficit est surtout marqué depuis le mois de février.

Cette différence est fondamentale parce que la saison utile pour la recharge des sols en eau est la période allant d’octobre à avril. À cette période, la végétation étant en dormance et l’évaporation faible, les eaux de pluie et de la fonte nivale peuvent s’infiltrer dans les sols meubles pour alimenter les nappes phréatiques. On parle de recharge des nappes. Si, par contre, les précipitations sont déficitaires pendant cette période, la recharge des nappes phréatiques est compromise avant d’aborder la saison estivale. C’est la raison pour laquelle une sécheresse hivernale est plus lourde de conséquence qu’une sécheresse estivale. La pire des situations se produit notamment lorsqu’un été chaud et sec survient après un hiver et un printemps également secs, ce qui s’est passé en 1976.

Deux fois moins de pluie en 1976, que cette année dans le nord

Sécheresse à Evreux © La Chaîne Météo

Sécheresse à Lille © La Chaîne Météo

L’analyse de la pluviométrie enregistrée à partir du mois d’octobre pour plusieurs villes de la moitié nord est sans équivoque : à Évreux (Eure), le déficit entre octobre 1975 et avril 1976 est quasiment de moitié par rapport à ce qui est tombé entre octobre 2021 et ce mois d’avril 2022. A Lille (Nord), il était tombé à l’époque les deux tiers de ce qu’on relève cette année. Les régions du centre-est de la France connaissent, en revanche, un déficit légèrement plus sévère cette année. C'est le cas par exemple pour Clermont-Ferrand et Saint-Etienne, où la pluviométrie est extrêmement faible depuis le mois de janvier. Le sud-est de la France est aussi nettement plus sec cette année qu'en 1976.

Des similitudes pour le printemps

On le voit, la sécheresse de 1976 était donc déjà bien entamée en arrivant au mois de mai, alors que cette année, le déficit pluviométrique, pour la moitié nord, a commencé à s’installer vraiment qu'à partir de février. Le printemps actuel présente certes un manque de pluie assez similaire à 1976, mais la recharge hydrologique a été plus fournie pendant l’automne et l’hiver derniers. Conséquence, si la sécheresse de surface actuelle est presque aussi marquée qu’en 1976, les nappes phréatiques et le niveau des cours d’eau reste plus élevé, ce qui constitue une différence importante concernant les réserves en eau. En juin 1976, la Loire était par exemple quasiment à sec au niveau d’Orléans. Cette situation pourrait rendre moins critique la saison estivale à venir. En revanche, le cas du centre-est de la France est différent, car le déficit est même légèrement plus marqué cette année qu’en 1976.

On constate donc que la grande sécheresse de 1976 concernait essentiellement un large tiers nord de la France, tandis que cette année, elle s’étend davantage vers le sud-est.

1976, une sécheresse moins généralisée, mais plus sévère

sécheresse de 1976 © La Chaîne Météo

La comparaison sur la localisation des centres d’action pour les premiers mois de 1976 et de 2022 montre une relative similitude sur la position des anticyclones, située entre les îles britanniques et la France. Dans les deux cas, la sécheresse trouve son origine dans une situation de blocage anticyclonique empêchant la circulation des pluies venant de l'atlantique de se diriger vers la moitié nord de la France, l’Angleterre et le Benelux.

En 1976, ce blocage concernait surtout un tiers nord-ouest de la France. Cette année, il est plus étendu à notre pays ainsi qu’à nos voisins européens, mais persiste depuis moins longtemps. La sécheresse touche ainsi, cette année, plus de régions et de pays, ce qui pourrait entraîner une pénurie dans les récoltes et une difficulté à approvisionner les zones en difficulté. En 1976, du foin pour le bétail avait été acheminé du sud vers le nord de la France, ce qui ne sera peut-être pas possible cette année.

En conclusion, on retiendra que la grande sécheresse de 1976 avait été remarquable pour les régions d’un tiers nord-ouest de la France, car elle avait démarré dès l’automne 1975 pour s’achever en août. Les régions du centre-est et du sud-est avaient été moins touchées. Cette année, le déficit est plus généralisé qu’en 1976, mais moins profond en raison d’un niveau des nappes phréatiques moins bas. Les effets de ce déficit se font néanmoins déjà sentir en surface, ce qui est problématique pour les cultures tel le blé.

La perspective d’un été orageux permettrait alors de limiter les dégâts. Nos prévisions saisonnières, actualisées ce 10 mai, mettent en évidence le retour des orages ces prochaines semaines, avec la perspective d’un été chaud, mais moins sec qu’en 1976. Un scénario qui éviterait de trop gros dommages à l’agriculture.

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