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Spectaculaire nuage de sable saharien : quelles conséquences ?

Regis CREPET

Par Regis CREPET, météorologue
mis à jour le

Comme prévu, depuis mardi matin, le ciel de France a pris une couleur allant du blanc à l'ocre en raison du passage d'une énorme quantité de sable saharien dans la moyenne atmosphère. Mêlé à la pluie, ce sable a sali les voitures dans certaines régions, mais le phénomène le plus spectaculaire est la couleur marron prise par les neiges de nos massifs, prenant des allures de dunes du Sahara. Ce phénomène n'est pas anodin, en accélérant la fonte de la neige et en pouvant occasionner des problèmes respiratoires.

C'était prévu, mais le phénomène surprend toujours. Depuis ce mardi matin, un ciel jaunâtre recouvrait la France, surtout le centre-ouest et nos montagnes, telle une brume de pollution à travers laquelle on pouvait distinguer un pâle soleil. Sur les régions au nord de la Loire, au passage d'une perturbation, c'est une pluie un peu laiteuse qui tombait, donnant l'impression d'un ciel de neige. La faute a une importante concentration de particules poussiéreuses et sableuses remontant du Sahara depuis la veille.

sable du Sahara © La Chaîne Météo

Un "nuage de sable" remontant du Sahara

Depuis le début de cette semaine, un puissant vent du sud soufflait sur l'Afrique du Nord, en particulier sur l'Algérie. Là-bas, c'était la tempête avec des rafales atteignant 110 km/h et déracinant des arbres. Les grandes villes étaient plongées dans une atmosphère âpre et orangée, réduisant la visibilité à tel point que le trafic aérien avait connu des retards. Ce vent du sud à sud-est, appelé "Sirocco", est remonté jusqu'en Espagne dès lundi soir, engendrant ces mêmes ambiances jaunâtres sur le littoral. Puis, ce mardi matin, les importantes concentrations de poussières sableuses sont arrivées sur la France. Avec des concentrations dépassant 400 à 500 µg/m3, on peut parler d'un épisode notable. Ces poussières sont portées par les grands vents atmosphériques sur de grandes distances entre 3000 et 4000 m d'altitude, puis ont tendance à redescendre lentement à une altitude variant entre 1500 et 2500 m, ce qui explique pourquoi nos montagnes en sont principalement recouvertes à cette altitude, tandis que les plus hauts sommets étaient épargnés. En plaine, la pluie fait descendre ces particules au sol, bien visibles sur les voitures. Par ciel dégagé, celui-ci prend alors un aspect brumeux et orangé, comme des fumées d'incendies de forêt.

sable du Sahara © Clément BC

Le sable sur la neige va accélérer sa fonte

Les dépôts de sable du Sahara sur nos montagnes, en particulier les Pyrénées, ne sont pas rares et surviennent en moyenne une fois tous les deux ans. À cet égard, le printemps 2019 avait connu 3 épisodes notables à la suite. L'épisode actuel figure parmi les plus intenses depuis 2019 en raison de la force du flux de sud-est qui provient de très loin, au-delà même du Sahara, au niveau du Sahel. Outre la salissure de la neige, qui est recouverte d'une pellicule de sable métamorphosant les pistes de ski en dunes désertiques, cette couleur marron va avoir une action néfaste pour le maintien de la neige. En effet, la couleur foncée va réduire l'albédo, c'est-à-dire le pouvoir réfléchissant de la blancheur de la neige qui lui permet de se maintenir face au rayonnement solaire. La couleur foncée absorbe davantage le rayonnement solaire, ce qui va réchauffer le sable sur la neige, accélérant ensuite sa fonte, surtout si un important redoux accompagne ce phénomène, ce qui est le cas. Jusqu'à jeudi, l'isotherme 0°C va en effet se situer vers 3000 m d'altitude.

Ainsi, ces photos (captures d'écran de webcams dans les Pyrénées) montrent bien l'importante couche de sable marron qui recouvrait la neige ce mardi matin.

sable du Sahara © Capture webcam Pyrénées

Des conséquences pour la santé

Ces phénomènes de brumes sableuses ne sont pas anodins et se comportent comme des pics de pollution atmosphérique. Ces poussières désertiques peuvent être nocives pour la santé et provoquer des irritations et des problèmes respiratoires chez les personnes fragiles. À ce sujet, selon le site internet de "Pourquoi docteur" (1) une étude, parue en novembre 2008 dans la revue Epidemiology, a révélé que dans le sable transporté depuis le Sahara se trouvent plusieurs particules néfastes pour la santé. Les chercheurs ont relevé la présence de nitrate, de sulfate, de cadmium, de phosphore, de l'ammonium, de fer, d'aluminium, de carbone ou encore de sodium. Ils ajoutent que pendant les épisodes de vagues de poussières désertiques, le nombre de décès augmente de 8,4%. Une autre étude, publiée le 12 mars 2008 dans la revue Environmental Geochemistry and Health, a montré que les brumes de sable sont associées à une augmentation des cas d’asthme ainsi qu’à des problèmes oculaires comme des conjonctivites." D'autre part, l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) indique que " « des études épidémiologiques ont mis en évidence un risque accru de mortalité cardiovasculaire due à des problèmes respiratoires, ainsi que d’asthme chez l’enfant.".

Plus grave, certaines études indiquent que ces particules poussiéreuses, parcourant de grandes distances, entrainent avec elles « tout un tas de polluants et d’agents pathogènes tels que les virus qu’elles croisent en chemin », précise Thomas Bourdrel, radiologue et membre du collectif Air Santé Climat. Il souligne aussi la dangerosité de ces particules dans un article sur les liens entre pollution de l’air et Covid-19, qu'il a coécrit pour la revue European Respiratory. Le scientifique dévoile que ces particules nomades peuvent agir comme un cheval de Troie. « Cela a été démontré, par exemple, pour la grippe aviaire, pour laquelle on a pu mettre en évidence une transmission du virus entre deux poulaillers distants de plusieurs centaines de mètres », écrit le chercheur.(2)

Les Antilles françaises sont particulièrement exposées à cette problématique, car il est fréquent que les sables du Sahara, poussés par les alizés soufflant de l'est, traversent l'océan Atlantique. Lors de chaque épisode, les mesures préconisées sur les îles ressemblent à ce qui est recommandé en métropole lors des pics de pollution de l'air. Ainsi, en cas de brume de sable, il est déconseillé de pratiquer des activités sportives à l'extérieur (telles que la marche ou la course), et surtout de courir aux abords des axes routiers (où des particules issues de la circulation s'ajoutent aux poussières sableuses irritantes).

L'évolution météorologique de ces prochains jours indique la persistance de ces conditions propices à la stagnation de ce nuage de sable au-dessus de la France ce mercredi, associé à un vent faible et à des températures très douces pour la saison. Il fera majoritairement beau sur la France, ce qui permettra de voir un ciel sans doute d'aspect brumeux en journée à cause de ces particules en suspension, et prenant une teinte orangée au lever et au coucher du soleil. Ce sera l'occasion de prendre de belles photos colorées. De nouvelles pluies tomberont au nord-ouest ce mercredi soir, ce qui lavera l'atmosphère, avant la levée du vent du nord jeudi sur les trois quarts de notre pays, mettant fin à cet épisode. On retrouvera un air plus sain et aussi plus frais dès vendredi.

(1) - "Pourquoi Docteur" : nuages de sable du Sahara : quels risques pour la santé ?

(2) - "Sortir à Paris" : les poussières du sable du Sahara porteuses de particules mauvaises pour la santé.

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