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Eté aux abonnés absents : les raisons d'une saison atypique

Regis CREPET

Par Regis CREPET, météorologue
mis à jour le

Cet été 2021 diffère radicalement des six dernières années où la France a connu une succession inédite d'étés exceptionnellement secs et chauds. Ce changement brutal n'est pas sans conséquence pour l'agriculture et le tourisme. Quelles sont les raisons de ce dérèglement? Est-ce aussi exceptionnel qu'on pourrait le croire? A quoi peut-on s'attendre pour les semaines à venir?

© FREEIMAGES

Depuis le début de l'été météorologique le 1er juin, le temps s'est montré bien capricieux sur notre pays. Nous vivons l'été le plus maussade depuis 2014 à l'échelle de l'hexagone malgré des disparités locales, avec une sécheresse assez tenace autour de la Méditerranée. Même si les températures globales restent proches des moyennes de saison, la pluviométrie a été parfois exceptionnelle. Comment expliquer un tel changement par rapport aux derniers étés? Voici quelques explications.

Le défilé des gouttes froides sur la France

© La Chaîne Météo

En règle général, le beau temps estival sur notre pays est lié à l'extension de l'anticyclone des Açores vers l'Europe de l'ouest. Mais cette année, depuis le printemps, ces hautes pressions restent au large Atlantique tandis que les dépressions en profitent pour glisser de l'Atlantique nord vers notre pays, apportant de l'instabilité et des rafraichissements. A noter que les îles britanniques et le nord-ouest de la péninsule ibérique ont également connu ce même type de temps, souvent frais. Ainsi, notre infographie met bien en évidence l'anomalie de basse pression sur la France en juillet, ce que l'on appelle le "géopotentiel" (anomalie de pression en altitude), alors que les hautes pressions prédominaient sur l'est du continent européen. Concernant les températures en France, elles sont restées supérieures aux normales en juin, notamment en raison d'une vague de chaleur en première quinzaine, puis ont baissé pour rester sous les moyennes du 21 juin au 14 juillet. Parallèlement, les pluies et orages ont rythmé notre été, occasionnant des inondations, dont celles, historiques, survenues en Belgique et en Allemagne. Le mois de juillet a connu une belle semaine du 18 au 24, avec, au total, des températures quasi de saison (-0,1°C sous la norme 1981-2010).

Si cet été semble maussade depuis le mois de juin, c'est surtout en raison des précipitations, atteignant des valeurs records par endroit, notamment au centre-est, inondant les champs et retardant la moisson. Les températures, quant à elles, sont au niveau de 2014, le dernier été maussade que nous ayons connu avant la survenue des six derniers étés caniculaires. Mais, avec du recul, on s'aperçoit que ces températures auraient été tout à fait de saison dans la période 1984-2000, et même plus élevées par rapport aux étés antérieurs aux années 1980.

Un comportement inhabituel du jet stream

© La Chaîne Météo

Le jet stream désigne les vents de haute altitude qui circulent d'ouest en est autour de la Terre. Plus faible en été qu'en hiver, il permet le déplacement des centres d'action, les dépressions et les anticyclones. Or, cette année, mais également depuis une décennie, on s'aperçoit que le jet stream se comporte différement : il adopte une circulation en méandres, telle une rivière qui manquerait de débit et qui ondulerait (1). Ces méandres nord-sud, et sud-nord, dirigent les masses d'air en conséquence. Ils figent de vastes zones d'anticyclones, qui bloquent à leur tour les dépressions. Depuis le printemps, le blocage anticyclonique se maintient durablement sur la Scandinavie, l'Europe de l'est et le Maghreb. Dans ces conditions, les "gouttes froides" descendant vers la France se retrouvent bloquées. Cela est bien visible sur notre carte d'anomalies de pression, mettant en exergue les basses pressions sur notre pays. A ce sujet, il est possible que le réchauffement climatique global affecte la circulation du jet stream, en lui conférant cette typologie différente de celle des années 1980 à 2000, bien que les preuves ne soient pas flagrantes à ce sujet (2).

Cette configuration bloquée sur l'Europe, comme elle l'a été aussi en Amérique du nord, explique pourquoi les pluies et la fraîcheur sont restées du côté de l'Europe du nord-ouest, tandis que la sécheresse et la chaleur se sont maintenues de l'Afrique du Nord à la Grèce et à la Turquie. Cela nous a évité, pour cette fois, de subir la sécheresse et la canicule, au prix des inondations et du temps maussade.

Comment se profilent les prochaines semaines?

Cette situation de blocage pourrait s'atténuer lentement en deuxième quinzaine d'août, voire dès la semaine prochaine, avec un peu d'avance sur les prévisions initiales. Cependant, la fiabilité sur l'évolution à venir reste à affiner au fil des jours. Il est possible que l'on assiste à un déblocage de cette configuration avec le retour de l'anticyclone des Açores vers la France. Mais, au sein de cet été instable, et malgré quelques signaux optimistes envoyés par les modèles numériques, il n'est pas certain que cette amélioration soit réellement durable. On peut juste s'attendre au retour de conditions moins perturbées et plus proches d'un temps de saison qu'en ce début août, ce qui serait déjà une bonne nouvelle pour les vacanciers de la deuxième quinzaine. Indiquons à ce sujet que les étés maussades se terminent assez souvent par une vague de chaleur tardive fin août, comme en 2012. En 2014, lors de l'été "pourri", il avait fallu attendre septembre pour trouver un mois estival.

En conclusion, on retiendra que cette première partie d'été reste assez conforme aux températures de saison à l'échelle de l'hexagone, mais avec de fortes disparités entre l'ouest et le sud-est, tandis que les précipitations figurent, pour l'instant, en troisième position des plus abondantes depuis 1959. On note également qu'une tendance plus stable devrait concerner la 2ème quinzaine d'août, bien qu'un beau temps durable ne soit pas encore vraiment envisagé. Enfin, dans ce type d'été, il est fréquent que le mois de septembre apporte de meilleures conditions, ce qu'il conviendra de préciser lors de la mise à jour de nos prévisions saisonnières le 10 août.

Notes :

1) Un jet stream plus variable en Europe

2) la fonte de la banquise n'aurait pas d'impact sur le jet stream

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