Étés : sont-ils vraiment de plus en plus chauds ?
Malgré un ressenti très variable d’une personne à l’autre et selon les secteurs d’activité, force est de constater que la France métropolitaine a connu ces dernières années des étés particulièrement chauds, marqués par de fréquentes canicules. Ce constat est-il empirique ou repose-t-il sur des observations factuelles ? Assiste-t-on à une évolution régulière ? A quelle tendance future peut-on s’attendre pour nos prochains étés?
Alors que la France connaît actuellement une canicule de courte durée, ce mois de juillet qui s'achève par de très fortes chaleurs pourrait être l'un des plus secs depuis 1960. La France vient de connaître 5 années consécutives avec des étés exceptionnellement chauds et secs. La notion « d’été normal » disparaît avec des températures quasiment toujours supérieures aux moyennes depuis le début des années 1990.
Que démontrent les observations chiffrées ?
© La Chaîne Météo
Pour la France métropolitaine, nous disposons de données météorologiques fiables depuis le début du 20ème siècle. Certaines stations anciennes, comme Paris, possèdent des archives remontant parfois au 19ème siècle.
Pour faciliter la comparaison, nous utilisons la moyenne des températures estivales calculée sur la période 1961-1990, qui sert de référence. On s’aperçoit que tout au long du 20ème siècle, les étés ont connu des variations entre des cycles d’étés frais (période 1910-1930 et entre 1955-1980) et des cycles d’étés chauds (période 1944-1954 par exemple). Dans l’évolution climatique, ces fluctuations ont pu être corrélées aux cycles solaires (d’une durée de 11 ans). Mais depuis le début de la décennie 1990, quasiment tous les étés sont devenus plus chauds que cette moyenne de référence.
En conclusion, on constate que les étés les plus chauds observés en France se sont quasiment tous produits dans la décennie actuelle, avec comme point culminant l’été 2003, marqué par la canicule inégalée du mois d’août. Par rapport aux étés des années 1980, nos étés actuels ont gagné en moyenne +3°C. L’été 2019 a connu, quant à lui, les températures les plus chaudes jamais relevées en France depuis 1900. Le dernier été frais, qualifié de « pourri », c’est-à-dire humide et très nuageux, remonte à 2014 et surtout 2011.
On en déduit donc que les étés sont réellement de plus en plus chauds en France métropolitiane depuis la décennie 1990, mais que cette hausse semble maintenant plutôt stabilisée.
Quelles conséquences de cette évolution ?
Le paramètre majeur, aggravé par cette tendance, est l’augmentation de la fréquence des canicules. Certes, les canicules ont toujours existé en France, y compris dans les siècles passés où les archives dépeignent des scènes de chaleur et de sécheresse aux XVIème et XVIIème siècle par exemple. Mais il semblerait que la fréquence des ces épisodes caniculaires augmente significativement depuis la décennie 1990, à tel point que chaque été connaît depuis 2002 au moins une canicule. D’autre part, elles surviennent parfois tôt dans la saison, dès le mois de juin, pour s’achever parfois tardivement, fin août voire en septembre.
Des conséquences directes sont visibles à vue d’œil : le recul des glaciers en montagne, dû à la fois à des précipitations plus faibles en hiver et aux fortes chaleurs estivales, modifie le paysage montagnard et fragilise les roches en raison du dégel en haute altitude. Les agglomérations subissent de façon parfois difficilement supportable l’accumulation des fortes chaleurs en été, en particulier la nuit, où les sols bétonnés conservent la chaleur ambiante. Ce constat amène à des réflexions d’aménagement du territoire, qui doit prendre en compte ce facteur en « verdissant » les villes par exemple, c’est-à-dire en plantant davantage d’arbres en milieu urbain. Le bilan agricole est plus mitigé, certaines cultures bénéficiant des étés chauds, notamment la viticulture, tandis que d’autres souffrent de la sécheresse récurrente et des fortes températures.
© La Chaîne Météo Cartographie de l'agglomération de Bordeaux montrant les différences de température entre le centre-ville et les parcs.
Quelles projections pour l’avenir ?
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Cette tendance aux étés désormais devenus particulièrement chauds en France va-t-elle se maintenir, voire même s’accentuer ? Cette question fait l’objet de nombreuses études climatiques et prend en compte le bilan des émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines. En effet, il est communément admis que le réchauffement climatique contemporain est majoritairement d’origine anthropique, même si le consensus n’est pas absolu en ce domaine et qu’il existe des variations cycliques naturelles pouvant également influencer cette évolution.
En l’état actuel des connaissances, les chercheurs de différents laboratoires (1), notamment français, ont modélisé l’évolution climatique de nos futurs étés jusqu’à l’horizon 2100, en fonction des différents paramètres (forçages anthropiques et naturels) et selon les émissions de gaz à effet de serre. En fonction de ces paramètres, les chercheurs ont obtenu des résultats assez cohérents en suivant l’évolution actuelle et en se projetant dans le futur. Malgré des résultats parfois un peu différents selon les modèles, un scénario majoritaire se détache : le réchauffement estival se poursuivrait jusque vers 2050, à une vitesse ralentie par rapport à la précédente décennie : nous serions arrivés à une sorte de « plateau ». Puis, ce réchauffement pourrait reprendre à l’horizon 2070-2100. On observe que les fourchettes de températures maximales ne seraient pas forcément plus élevées que ce que l’on connaît de nos jours, mais la fréquence de ces journées de fortes chaleurs et des canicules serait plus forte. Ainsi, des étés tels que nous les connaissons depuis ces dernières années (2016 à 2019) seraient quasiment la norme tandis qu’un été de type 2003 (le plus chaud jamais observé en France et en Europe) pourrait survenir une fois sur deux ou trois dans les prochaines décennies modélisées. L’extrême nord-ouest de la France subirait peu de changement par rapport à nos jours, tandis que le réchauffement – et donc les canicules – serait plus marqué sur le flanc est de notre pays et sur l’Europe continentale.
En conclusion, on retiendra que les étés sont donc réellement de plus en plus chauds, la période charnière étant le début des années 1990. Après un pic en 2003, il semblerait que nos étés restent sur un plateau très élevé avec une fréquence accrue d’épisodes caniculaires. Face à ce constat, des mesures d’aménagement des villes sont à l'étude pour limiter les effets de cette chaleur, tout comme la recherche de solutions visant à limiter les émissions des gaz à effet de serre (préconisations du GIEC).Enfin, une inconnue repose aussi sur l'évolution cyclique naturelle du climat, dont les variations pourraient freiner cette hausse des températures.
(1) Voir Le portail Drias « les futurs du climat » qui met à disposition des projections climatiques régionalisées réalisées dans les laboratoires français de modélisation du climat (IPSL, CERFACS, CNRM-GAME) pour les scénarios les plus récents (RCP) présentés dans le dernier rapport du GIEC. Les informations climatiques sont délivrées sous différentes formes graphiques ou numériques.