Printemps humide et multiplication des maladies : la saison 2024 s’annonce compliquée pour le secteur viticole
Après plusieurs années avec un début de printemps souvent gélif, ce printemps 2024 a plutôt été marqué par sa pluviométrie très excédentaire. De nombreuses régions viticoles souffrent désormais très précocement de maladies comme le mildiou. Les rendements de ce cru 2024 pourraient s’en trouver réduits dans certaines régions mais pas forcément la qualité.
La météo exceptionnellement pluvieuse en France a eu des conséquences importantes sur les vignobles, provoquant une prolifération alarmante de maladies fongiques telles que le mildiou et le black-rot. Des régions viticoles emblématiques, comme celles de Sancerre et de Libourne, sont particulièrement touchées, les viticulteurs se retrouvant confrontés à de nouveaux défis dus à des pluies inhabituelles et persistantes.
Un printemps exceptionnellement humide : +45% de pluie par rapport à la normale
Le printemps 2024 a fini avec un excédent thermique de +0,8°C. Les précipitations ont été très excédentaires en parallèle et ce printemps se place d’ailleurs comme le plus pluvieux depuis 2008. Après un hiver arrosé sur une grande partie de l’Hexagone, la pluviométrie en moyenne sur le printemps a été excédentaire sur l’ensemble des régions, sauf en Corse. Concernant les différentes régions viticoles, la Nouvelle-Aquitaine enregistre 50% de surplus, tout comme les Pays de la Loire. En Centre-Val de Loire, le cumul pluviométrique est excédentaire de près de 58% et cet excédent grimpe même jusqu’à 77% en région PACA. C’est également la fréquence des journées de pluie qui a été marquante, avec une succession d’épisodes pluvieux, souvent abondants. Cette situation s’est également traduite par un déficit d’ensoleillement proche de 20% et localement jusqu’à 30% sur le nord-est. Ce déficit d’ensoleillement et cet excédent pluviométrique ont donc été très défavorables à la vigne, lorsque celle-ci entrait juste en période de floraison (fin avril-début mai). Celà a notamment provoqué des coulures sur certaines parcelles, en particulier en Champagne. La coulure est un accident végétatif qui a lieu pendant la floraison, par temps frais et humide. Il en résulte une mauvaise fécondation qui entraîne la chute des fleurs ou des grains en formation.
Une explosion du mildiou très précoce dans plusieurs régions
Depuis le débourrement, les vignobles de Sancerre, Pouilly et autres parcelles voisines en Bourgogne ont été soumis à un nombre record de pluies contaminatrices (entraînant une contamination au mildiou), atteignant 25, bien au-delà des moyennes traditionnelles. Les viticulteurs, même en agriculture raisonnée, sont contraints de multiplier les traitements phytosanitaires pour essayer de protéger leurs vignes. À Libourne, le mildiou s’est installé très prématurément en avril, un phénomène exacerbé par les pluies continues et un hiver doux. Des taches brunes ou blanchâtres prolifèrent sur les feuilles et les grappes, forçant des interventions fréquentes malgré les efforts pour limiter l'usage de produits chimiques. Dans le département du Lot, les pressions maladie sont accrues en raison d’un climat « quasi-tropical » (forte humidité et chaleur). L'alternance incessante de pluie et de chaleur a créé des conditions parfaites pour le développement des champignons, rendant les vignes particulièrement vulnérables durant la période critique de la floraison.
Le secteur viticole reste extrêmement vulnérable face aux aléas climatiques. Ces dernières années ont été marquées par des épisodes de gel tardif dévastateurs. L’année 2021 en est le témoin avec des parcelles parfois touchées entre 20 et 100%. Des baisses de rendement s’en sont suivies et la pression mildiou n’a rien arrangé. Par exemple, en Champagne, après un début d’été très arrosé (+88% par rapport à la normale), ce parasite a ravagé 20 à 25% des grappes.
Adaptation des pratiques culturales face à cette nouvelle donne climatique
Face à ces nouvelles réalités climatiques, les vignerons sont obligés d’adapter leurs pratiques culturales. Des mesures telles que l’enherbement pour drainer l’excès d’eau et la surveillance accrue des vignes deviennent indispensables pour tenter de sauver les récoltes. Les conditions météorologiques imprévisibles imposent une réévaluation constante des stratégies de protection des vignobles, mettant en lumière la nécessité de résilience et d'innovation dans la viticulture moderne. La météo de ces prochaines semaines sera scrutée de près par les viticulteurs. Les périodes de nouaison et de véraison (formation des grappes et changement de couleurs) sont deux périodes critiques du développement de la vigne. Mis à part ce début de semaine, aucun temps réellement stable n’est envisagé pour l’instant jusqu’à l’horizon de la première décade de juillet. Cette situation devrait aggraver la pression fongique sur les vignes.
A plus long terme, il est difficile de prévoir la suite du déroulement de la saison végétative de la vigne. Un été encore humide ne serait pas de bonne augure sur le plan des maladies alors qu’une période sèche et plus chaude, notamment en août, permettrait une bonne maturation des raisins. Une chose est sûre, le cru 2024 verra une baisse des rendements dans un grand nombre de régions touchées par le mildiou.