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Sécheresse hivernale : pourquoi cette situation n'est pas si inédite

Florent SCHINDLER

Par Florent SCHINDLER,
mis à jour le

Alors que le temps ensoleillé de ces derniers jours commence à changer dès cette fin de semaine, le retour tant attendu de nouvelles pluies la semaine prochaine sonne comme une bonne nouvelle pour atténuer la sécheresse superficielle actuelle, même si elles ne seront pas suffisantes pour la recharge des nappes. Une situation qui a des airs de déjà vu.

La sécheresse pourrait s'aggraver ces prochaines semaines © La Chaîne Météo

La Chaîne Météo : La sécheresse hivernale est définie comme un déficit de pluie par rapport à la moyenne saisonnière. Quelle est la moyenne saisonnière ? Et quel est le niveau de pluie enregistré cet hiver ?

Régis Crépet (géographe et météorologue) : La période hivernale propice aux pluies efficaces, appelée saison hydrologique, s’étend de novembre à avril, c’est-à-dire essentiellement en hiver. Pendant cette saison, les eaux de pluie peuvent pénétrer dans le sous-sol : on parle de « saison de recharge » des aquifères (nappes phréatiques). À partir d’avril, avec l’essor de la végétation et les premières chaleurs, l’évapotranspiration commence à consommer de l’eau, dont une partie importante ne pénètre plus dans le sol.

Généralement, pendant cette période, les pluies sont plus abondantes à l’ouest, et assez faibles du centre-est au nord-est. Les mois statistiquement les plus pluvieux en France sont décembre et janvier sur la moitié nord, tandis qu’au sud, il s’agit plutôt de novembre. Le mois de février est, quant à lui, l’un des plus secs, statistiquement, surtout entre l’Auvergne et le Grand Est.

Pendant cette saison hydrologique, la moyenne des précipitations (de novembre à mars) est de près de 550 mm sur la côte Atlantique (Brest et Biarritz), 350 mm à Bordeaux, 290 mm à Ajaccio, 250 mm à Lyon et 230 mm à Saint Quentin (dans l’Aisne). En progressant vers l’est, et dans certaines plaines entourées de reliefs, ces cumuls moyens sont nettement plus faibles (196 mm à Toulouse et 164 mm à Strasbourg).

Cette saison hydrologique 2022-2023 n’est pas si faible à l’échelle de l’hexagone. En effet, les pluies ont été abondantes et souvent supérieures aux normales de novembre à janvier, avec des inégalités géographiques. Seul le mois de février est véritablement marqué par un déficit remarquable cette année : il figure parmi les 4 plus secs depuis 1959. Mais, au total, les cumuls tombés sur la période novembre-février sont supérieurs aux moyennes sur l’ouest (Brest, Bordeaux, Biarritz, et même Ajaccio qui vient de rattraper son retard avec l’épisode pluvieux de cette semaine). En revanche, le déficit est assez marqué (environ 25%) sur le bassin parisien, l’est, la plaine toulousaine, les Hauts-de-France et Lyon. Si le mois de février présente un déficit national de 74 %, ce déficit est plutôt proche de 5 à 20 % à l’échelle de la saison hydrologique, en fonction des régions et 30 % sur les trois mois d’hiver (décembre-janvier-février).

Peut-on à ce jour avoir une idée de la météo ces deux prochains mois et sait-on s’il pleuvra suffisamment pour améliorer de façon notable la situation ?

Le mois de mars marque le retour des perturbations dès la semaine prochaine. Des pluies, ainsi que de la neige en moyenne montagne vont circuler sur la France pendant 8 à 10 jours. Ensuite, une nouvelle tendance sèche n’est pas exclue. Mars pourrait renouer avec des précipitations assez proches des moyennes. Selon nos prévisions saisonnières, cette tendance à des précipitations assez proches des moyennes pourrait concerner la période allant de mars à mai, malgré des disparités régionales, les régions du nord-est étant moins favorisées, ainsi que le Languedoc-Roussillon.

Quelle quantité de pluie faudrait-il pour pallier la sécheresse hivernale inédite ?

On l’a vu, cette sécheresse hivernale n’est pas inédite sur la période novembre-février : seul le mois de février est remarquablement sec. Si les précipitations de mars redevenaient « de saison », cela éviterait de creuser davantage la sécheresse, mais ne comblerait pas le déficit de février. Pour cela, il faudrait qu’il tombe près du double de la normale en mars sur les régions déficitaires du bassin parisien et du centre-est, ce qui ne semble pas prévu. Pour la façade ouest de la France, des précipitations dans les normales seraient suffisantes. Il faudrait, bien sûr, que les mois d’avril et de mai restent également dans la pluviométrie normale.

On retiendra donc que le déficit pluviométrique sur la saison hydrologique novembre-février est relativement faible (5 à 20 %) en raison notamment d’une pluviométrie très abondante en novembre. L’hiver, quant à lui, présente un déficit plus marqué de 30%. Mais il subsiste des disparités régionales, tel le Languedoc-Roussillon, le bassin parisien, les Hauts-de-France et le centre-est. L’enneigement en montagne est également déficitaire, hormis la Corse qui est le massif français le plus enneigé. Ce déficit de neige se fera lourdement sentir lors de la fonte : les apports d’eau pour les rivières et les lacs de retenue seront donc réduits, en se basant sur l’enneigement actuel. Mais là aussi, il peut encore neiger abondamment en mars, et même en avril.

C’est donc un bilan mitigé que l’on peut dresser au sujet de la saison hydrologique actuelle. La principale source de préoccupation provient surtout du déficit pluviométrique chronique installé sur la France depuis l’hiver dernier (2021-2022) suivi d’un printemps et d’un été chauds et très secs. Les pluies de l’automne dernier et de cet hiver ne suffisent pas à rétablir le niveau des nappes phréatiques. La situation pourrait devenir très critique si le printemps et l’été à venir devaient être également secs et chauds, ce qui amène les pouvoirs publics à prendre des mesures de précaution dès à présent.

Cette sécheresse est-elle un signe du réchauffement climatique ?

Cyril Bonnefoy (agrométéorologue et docteur en climatologie) : Non, nous ne pouvons pas établir un lien direct avec le réchauffement climatique. De plus, des sécheresses hivernales ont déjà été rencontrées dans le passé. L’hiver 2022/2023 qui vient de s’achever devrait se situer autour de 30% de déficit par rapport à la normale. Cela correspond environ au déficit des hivers 2004/2005, 1988/1989 ou plus loin de nous l’hiver 1974/1975. Les hivers les plus secs qu’ait connus la France depuis le milieu du XXème siècle sont les hivers 1962/1963, 1975/1976 et l’hiver 1991/1992 qui avait atteint un déficit record de près de 50%. En ce qui concerne les projections climatiques pour les prochaines décennies, aucune tendance significative ne se dégage, même si les modèles tendent au contraire vers une légère augmentation des précipitations hivernales.

A-t-on une idée de la quantité d’eau que l’on aura en moins ces prochaines années à long terme ?

Cyril Bonnefoy (agrométéorologue et docteur en climatologie) : Les projections voient plutôt une augmentation moyenne des précipitations hivernales, 5 à 10%, selon les projections du DRIAS, dans le contexte du réchauffement climatique. Néanmoins, de nombreuses incertitudes subsistent, notamment sur les déviations du Jet Stream et les situations de blocage anticyclonique en Europe de l’Ouest.

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