Saison cyclonique en Atlantique : vers une activité plus intense ?
Ces deux dernières années ont été marquées par une activité cyclonique supérieure aux moyennes statistiques en Atlantique Nord, notamment en 2017 avec des phénomènes puissants tels Irma et Maria dans les Caraïbes. Cette année, la saison a commencé de façon très poussive mais marque un tournant depuis la formation de Dorian. La suite de la saison pourrait être plus active que la première moitié.
La saison cyclonique dans l'Atlantique Nord s’étend officiellement du 1er juin au 30 novembre, avec un pic d’activité d'août à octobre. Les prévisions saisonnières envisageaient à ce sujet une saison légèrement sous la normae (en terme de nombre de phénomènes cycloniques), ce qui fut le cas jusqu'à présent. Mais depuis la fin août, des indices ont permis d'actualiser cette prévision en envisageant une deuxième partie de saison plus active que la première moitié : la formation de Dorian ouvre ainsi la voie à d'autres phénomènes, potentiellement en formation dans la zone inter tropicale.
© La Chaîne Météo
En 2017, la saison dans l’océan Atlantique nord a figuré parmi les plus actives depuis le début des relevés, avec des phénomènes dévastateurs (Harvey, Irma ou encore Maria dans les Caraïbes). Comme 2017, la saison 2018 s’est située au-dessus des moyennes (calculées par la NOAA d’après la période 1981/2010). Cette dernière saison a présenté, pour l’Atlantique nord, 15 phénomènes cycloniques, avec 8 ouragans dont 2 qui ont atteint la catégorie 3 sur 5, qualifiés alors de “majeurs”.
Afin de dresser des prévisions pour la saison à venir, plusieurs paramètres sont étudiés et analysés car ils jouent à la fois sur la formation et la puissance de ces phénomènes dévastateurs.
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Prévisions des ouragans : les facteurs aggravants
Les ouragans sont des phénomènes complexes dont la formation est rendue possible par deux principaux facteurs :
- La température élevée des eaux :devant être égale ou supérieure à 26°C sur une profondeur d’au moins 60 mètres, la température de l’eau est une composante essentielle dans la formation d’un ouragan, mais ce n’est pas la seule. Cette année, les températures de surface de l’océan Atlantique intertropical sont plus chaudes que les moyennes.
- El Nino : les conditions atmosphériques planétaires jouent aussi un rôle. Les années cycloniques les plus intenses se produisent en l’absence du phénomène El Nino. Cette anomalie de température des eaux de l’océan Pacifique modifie la circulation atmosphérique planétaire et génère des vents forts en haute altitude qui franchissent le continent américain et passent au-dessus de l’Atlantique, par effet de “vases communicants” : ce processus annihile alors la formation des ouragans sur cette zone car les vents forts en haute altitude ne sont pas favorables à la formation tourbillonnaire d’un ouragan.
En revanche, le phénomène inverse « La Nina » est propice aux saisons cycloniques actives. Rappelons que “La Nina” est une anomalie froide des eaux de surface de l’océan Pacifique : selon le même principe des vases communicants, cette situation n’entraîne pas de vents forts en haute altitude vers l’océan Atlantique, ce qui est propice au développement des mouvements rotatifs nécessaires à la formation des ouragans.
Ainsi, en 2017, nous étions en présence d’un faible El Nino, ce que l’on appelle une année « neutre », ce qui laissait présager une reprise de l’activité cyclonique après 10 ans de calme relatif et 5 ans de calme inédit. Mais l’intensité atteinte en 2017 a tout de même dépassé les prévisions des divers organismes météorologiques spécialisés. L’année dernière était également une année quasiment “neutre”, ce qui a permis à l’activité cyclonique de se développer. Pour cette année, El Nino est de retour, de façon modérée, et devrait se maintenir cet été. Il devrait agir comme un modérateur de l’activité cyclonique.
D’autres paramètres sont également à prendre en compte pour la détermination des prévisions cycloniques, telle la vitesse des alizés, ces vents d’est semi permanents qui soufflent à ces latitudes, ainsi que la teneur de l’atmosphère en sables issus du Sahara, qui agissent comme un inhibiteur de la formation des ouragans. Dans ce contexte, comment s’annonce la saison 2019 qui commence le 1er juin ?
Vers une saison des ouragan 2019 assez faible ?
Cette année, la saison 2019 des ouragans dans l'Atlantique Nord s'était ouverte de façon précoce avec la tempête subtropicale Andrea, le 21 mai. Il s'agit de la neuvième fois en vingt ans que la saison débute avant la date officielle du 1er juin. Mais par la suite, l'activité est restée très poussive avec seulement un seuk ouragan (à la fin août) : il s'agissait de Barry, dans le Golfe du Mexique (le 11 juillet). Dorian est donc le deuxième ouragan de la saison, dont la montée en puissance explosive en fait désormais l'un des plus puissants observés en Atlantique Nord.
Malgré ce démarrage précoce, les paramètres évoqués ci-dessus, en particulier la persistance du phénomène El Nino pendant l’été, devraient jouer en faveur d’une saison cyclonique plutôt proche des moyennes, voire légèrement inférieure. Néanmoins, les températures de l’océan atlantique tropical sont supérieures aux moyennes, de l’ordre de +0,5°C à +1°C, ce qui peut agir, à contrario, comme un facteur stimulant.
Plusieurs organismes météorologiques mondiaux sont spécialisés dans la prévision des ouragans (1). Ces organismes communiquent sur la perspective plutôt rassurante d’une saison standard. Selon la NOAA américaine, on devrait assister à la formation de 9 à 15 tempêtes nommées (c’est à dire des phénomènes tropicaux qui atteignent le stade de “tempête tropicale”, dont les vents moyens soutenus dépassent 63 km/h), dont 4 à 8 ouragans et jusqu'à 2 à 4 ouragans majeurs.
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De son côté, le Tropical Storm Risk prévoit une saison cyclonique 2019 légèrement inférieure à la moyenne, avec des chiffres presque identiques à ceux de la NOAA, à savoir 12 phénomènes, dont 5 pourraient évoluer en ouragans et 2 en ouragans majeurs.
Cette analyse globale est partagée par les météorologues de la Chaîne Météo, qui soulignent que tous ces paramètres vont dans le sens d’une saison cyclonique standard en Atlantique Nord, alors que la situation est radicalement différente dans le bassin Pacifique.
Malgré ces prévisions plutôt rassurantes, n’oublions pas qu’il suffit qu’un seul ouragan touche terre pour que la situation soit catastrophique au niveau matériel et humain.
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Une diminution globale du nombre d’ouragan
Contrairement aux idées reçues, le nombre total de phénomènes cycloniques est en légère diminution sur la planète depuis le début des relevés en 1851. Ce nombre était en augmentation dans l’Atlantique Nord entre 1950 et 1970 avant une baisse entre 1970 et 1990. La courbe est repartie à la hausse entre 1995 et 2010 avant cette dernière décennie anormalement calme. Le pic de 2017 marque donc un retour à la normale dans l’océan Atlantique Nord. Face à ce constat, la question du rôle du réchauffement climatique dans l’évolution du nombre d’ouragans en Atlantique Nord n’est pas probant, ce qui est reconnu à la fois par le GIEC (Groupe Intergouvernemental d’experts sur le climat) et par la NOAA, qui indique “ Il est prématuré de conclure que les activités humaines (et en particulier les émissions de gaz à effet de serre) ont un impact détectable sur les ouragans de l’Atlantique ou sur l’activité cyclonique mondiale .” (2). Le réchauffement climatique planétaire aurait plutôt tendance à augmenter la puissance des ouragans formés, qui atteignent plus rapidement les catégories maximales, ainsi que les cumuls pluviométriques associés, plus abondants d'environ 20 à 30 %. Cela vient d'être à nouveau démontré avec l'ouragan Dorian de ce 1er septembre 2019.
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En revanche certaines études semblent indiquer que si le nombre d’ouragans n’augmente pas, voire diminue, leur puissance pourrait être accrue (3), ce qui se mesure en « énergie accumulée » (ACE index), dont 2017 est la quatrième après 2005, 1995 et 2004. Cette énergie aurait augmenté de 70% depuis 30 ans alors que le nombre d’ouragans restait stable, voire en baisse pour l’Atlantique Nord. Selon ces études, le nombre d’ouragans « majeurs », au moins égaux à la catégorie 3/5, serait en augmentation, alors que le nombre total des phénomènes pourrait baisser. Mais pour d’autres experts, l’augmentation de fréquence de ces ouragans majeurs pourrait tout simplement résulter de la variabilité naturelle du climat, sans aucun lien avec le réchauffement (4) d’origine anthropique.
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NOTES :
(1) Tropical Storm Risk / CSU (université d’état du Colorado) / NCSU / Met Office / NWS-NOAA / CEPMMT (modèle européen).
(2) Global Warming and Hurricanes, février 2019
(3) Nature, 2005 / Geophysical Research Letters (2009) / Douglas J. Collins, FCAS, MAAA (2018)
(4) Freeman Dyson, physicien, professeur émérite / Laboratoire de dynamique des fluides géophysiques de Princeton : “Parce qu'il y a la variabilité naturelle du climat, vous ne pouvez pas trancher avant au moins 150 ans” (citation du 10 avril 2007). Christopher Landsea, météorologue à la NOAA, spécialiste des ouragans: « le réchauffement climatique augmente peut-être la force du vent des ouragans, mais de sûrement pas plus que 1 ou 2%”. (University of Colorado, 17.1.2005).