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Le volcan islandais pourrait-il plonger l'Europe dans un hiver glacial ?

Regis CREPET

Par Regis CREPET, météorologue
mis à jour le

Le rôle des éruptions volcaniques sur le climat est désormais assez bien connu, et il est clair qu'elles ont une incidence directe sur les températures en propulsant dans l'atmosphère des quantités plus ou moins grande de cendres et de suies. Il est admis que les éruptions majeures entrainent un refroidissement temporaire du climat. Le volcan islandais pourrait-il provoquer un hiver froid en Europe ?

A l'heure actuelle, le volcan islandais n'émet pas de nuage de cendre dans l'atmosphère mais seulement de la fumée liée aux coulées de lave qui jaillissent d'une faille. Si ces fumées peuvent gêner le trafic aérien local, la situation n'est en rien comparable à celle de l'Eyjafjoll survenue dans la même région au printemps 2010.

Même si cette éruption ne fut pas majeure, malgré un nuage de cendre propulsé sporadiquement vers 10 000 mètres d'altitude, les quantités de particules émises par le volcan avaient été vite entrainées par les vents dominants. Elles ont semé la pagaille dans l'espace aérien européen en avril et en mai. A cette époque, le nuage de cendre n'avait pas été assez continu et n'était pas monté assez haut dans la haute atmosphère pour influencer directement le climat.

L'Eyjafjoll responsable de l'hiver froid en 2010?

Cela dit il n'est pas exclu que l'Eyjafjoll ait contribué à l'été relativement frais connu en Europe de l'ouest (notamment en France), même si l'Europe centrale et la Russie ont connu au même moment une canicule historique. Par la suite, le début de l'hiver 2010 fut froid et précoce (neige abondante sur la France), mais le lien de causalité n'est pas démontré.

On peut dire avec certitude que le volcan islandais Bardarbunga, dans sa phase éruptive actuelle, ne peut pas entrainer une quelconque modification du climat. Il faudrait une recrudescence de son éruption et l'émission dans la haute atmosphère d'un nuage de cendre gigantesque pour avoir une répercussion. Dans ces conditions, la perspective d'un hiver plus froid que la normale serait alors envisageable.

De multiples éruptions volcaniques stoppent le réchauffement climatique ?

Les éruptions volcaniques majeures ont entrainé dans le passé des refroidissements climatiques temporaires, ayant parfois eu des répercussions sur l'ensemble de la planète. Ces grandes éruptions projettent dans la haute atmosphère de grandes quantités d'anhydride sulfureux, ce qui a pour conséquence de réflechir vers l'espace une partie des radiations solaires. Ce fut le cas du volcan indonésien Tambora en 1815 ("l'année sans été" car il avait fait froid toute l'année suivant l'éruption). Plus près de nous, de puissantes éruptions ont fait baissé les températures planétaires de 0,2° à 0,6° (en général, donc moins de 1°C de baisse, ce qui est déjà considérable) tel que le volcan El Chichon (Mexique, 1982) et surtout le Pinatubo (Philippines, 1991), qui avait projeté 20 millions de tonnes de soufre . Mais depuis les années 2000, les éruptions massives se sont calmées pour laisser place à de multiples éruptions modérées, qui crachent dans l'atmosphère des panaches de cendre et de suie assez fréquents. Il est admis que certaines particules absorbent une infime partie du rayonnement solaire lorsqu'elles sont suffisament hautes dans l'atmosphère (entre 15 000 et 20 000 m d'altitude). Ces cendres, présentes au-dessus de la troposphère, ne peuvent plus retomber au sol et s'étalent jusqu'à faire parfois le tour de la planète. Elles provoquent dès lors un léger réchauffement à des hautes altitudes mais entrainent également un léger refroidissement de la surface de la terre et même de l'océan. Même minime, ce refroidissement est capable d'engendrer des hivers plus froids et des gelées tardives. Selon des études scientifiques, les multiples éruptions volcaniques modérées qui se produisent depuis l'An 2000 auraient pu ralentir le réchauffement climatique "théorique" de l'ordre de 0,12°C. Il faut savoir, en effet, que les modèles numériques climatiques "ne prennent pas en compte les effets des éruptions volcaniques, car elles sont quasiment impossibles à prévoir sur le long terme" (Alan Robock, climatologue à l'Université Rutgers (New Jersey).

Ce scénario d'un volcanisme assez actif depuis les années 2000 à la surface du globe pourrait en partie expliquer la "pause du réchauffement climatique" observé contre toute attente depuis lors, bien que les températures planétaires restent bloquées au même niveau (d'ou l'appelation de "plateau" du réchauffement climatique). En effet, l'année la plus chaude au niveau planétaire reste 1998 : depuis cette année-là, le niveau global des températures restent très élevé mais ne dépasse plus ce seuil, alors que les modèles numériques calculaient la poursuite de la hausse.

© La Chaîne Météo

Des scénarios catastrophes

Dans le cas où l'éruption actuelle se poursuivrait avec une augmentation de son intensité, il est possible que les cendres soient éjectées à de plus hautes altitudes, au-delà de 15 km, dans la stratosphère. A cette altitude soufflent des vents violents et réguliers appelés courants jets ( ou : Jet-Stream ) qui peuvent disperser les particules sur une étendue géographique beaucoup plus vaste . Elles resteraient en suspension beaucoup plus longtemps et les particules pourraient alors avoir un effet à longue durée sur la température en réfléchissant vers l'espace une petite partie du rayonnement solaire. C'est l'inverse de l'effet de serre, faisant baisser la température au sol et réchauffant la haute atmosphère.

Les grandes éruptions volcaniques contrarient le réchauffement climatique. De ce point de vue, elles sont bénéfiques à l'échelle de la planète.

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Les volcans islandais : une menace pour l'Europe

Le 8 juin 1783, l'éruption du volcan islandais Laki déversait un flot de lave et de poussière sur la terre et dans le ciel. Cette éruption gigantesque a été catastrophique pour tout l’hémisphère nord et entraîna une modification profonde du climat pendant plusieurs années.
En partie à l’origine de la révolution française, elle a généré un tel bouleversement climatique des années durant que les peuples affamés se sont révoltés. Tout d'abord, pendant plusieurs mois, le ciel était devenu rougeatre et flamboyant au-dessus de l'Europe. Il s’agissait en fait des conséquences de l’éruption volcanique du Laki en Islande cette même année. A cause des fumées qui masquaient en partie le rayonnement solaire, cette éruption apporta quelques années plus froides que la normale et conduira, à cause des famines qu’elle engendrera, à la révolte des paysans français en 1789. Les irlandais eux débarqueront en masse pendant ces années là pour trouver un meilleur avenir aux états-unis naissants... Ce nuage était tellement imposant qu’il a recouvert la moitié de la France d’un épais nuage rosé et sulfureux pendant un mois, localisé à l’ouest d’une ligne allant de Bayeux à Béziers.
Le volcan fit également des victimes en France. La mortalité augmenta au dessus de la moyenne à partir de juillet 1783, certainement dues à l’empoisonnement dû aux nuagex sulfureux. Les régions les plus touchées se situaient sur tout le flanc Est de la France. Cette éruption très importante a duré huit mois.

Quel impact sur le climat ?

Le rôle des éruptions volcaniques sur les fluctuations du climat est bien connu (1) : les éruptions majeures ont propulsé dans la haute atmosphère de telles quantités de cendres et de suies, capables d'occulter de 1% à 3% le rayonnement solaire, que des refroidissements s'en sont suivis au niveau planétaire! ce fur le cas lors des éruptions du Mont St Helens en mai 1980 (USA), du El Chichon en 1982 (Mexique), ou encore du Pinatubo (Philippines) en 1991.

Ces différentes éruptions avaient entrainé des années froides avec des hivers particulièrement rigoureux. Dans le cas extrême, l'éruption colossale du Tambora (en 1815) a projeté un volume de
poussières et de cendres pendant 2 à 3 jours jusqu'à 600 km de distance du volcan et à plus de 30 km de hauteur dans la Stratosphère, où ils ont alors été transportés par les jets streams de la haute atmosphère. Pendant plusieur jours le ciel s'est obscurcit. En quelques mois les poussières et aérosols se répandirent dans l'atmosphère autour de la planète, provoquant des modifications climatiques pendant plusieurs années. Durant ces périodes, sont signalés des couchers de soleil prolongés et brillamment colorés - oranges ou rouges sur l'horizon.

Le refroidissement climatique fut tel que l'été suivant fut extrêmement froid avec des gelées jusqu'en Europe et en Amérique du Nord en plein été : cette année fut baptisée "l'année sans été".

(1) In "Geophysical Research Letters " (étude menée au Massachusetts Institute of Technology sous la Direction de David Ridley, expert climatologue).

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