Épisode cévenol : pourquoi son ampleur a-t-elle dépassé les prévisions ?
L'épisode cévenol a dépassé largement les prévisions des modèles météo et figure parmi les plus importants depuis une vingtaine d'années. Cette situation a conduit à une gestion assez complexe de l'évènement avec des alertes météo très évolutives, mais permettant d'éviter des victimes.
Alors que cet épisode cévenol devait être classique pour cette époque de l'année, avec des cumuls qui étaient estimés autour de 300 mm par les modèles météorologiques, la situation a présenté une évolution nettement plus grave avec le double de ce qui était prévu sur les hauteurs cévenoles ainsi que sur les Alpes-Maritimes.
Le double de précipitations par rapport à ce qui était prévu
Les prévisions météorologiques sont réalisées sur la base des résultats délivrés par les supercalculateurs, puis affinées par les météorologues. Le contexte météorologique était propice au déclenchement d'un épisode cévenol et méditerranéen (avec une extension géographique plus vaste) "classique" pour la saison. Les cumuls envisagés devaient atteindre 300 mm sur les Cévennes en 48 heures. Mais les nouveaux résultats des modèles révisaient à la hausse les cumuls attendus. De ce fait, nos alertes météo ont été étendues, donnant l'impression de "courir" après l'évènement qui, quelque part, échappait aux calculateurs.
Certains résultats de modèles numériques (ce que l'on appelle un "run") envisageaient la veille des cumuls révisés à la hausse (avec, pour certains d'entre eux, des valeurs prévues allant jusqu'à 500 mm sur les Cévennes). Mais ces estimations étaient les plus extrêmes avec une forte dispersion et de grands écarts. Si la perspective d'un épisode cévenol notable devenait alors possible, ces valeurs restaient encore trop minoritaires pour élaborer une prévision alarmiste.
Avec les cumuls tombés, les crues ont donc pris de l'ampleur, atteignant les valeurs records que l'on constate. Même si l'on s'attendait tout de même à un épisode de vaste ampleur géographique, l'intensité des pluies a surpris.
Une combinaison de facteurs aggravants
Un potentiel plus important que prévu : les cumuls relevés ont été localement le double de ce qui était prévu deux jours auparavant pour les Cévennes et les Alpes-Maritimes. Les modèles météo ont révisé sans cesse à la hausse les cumuls. On peut légitimement penser que l'air chaud et humide remontant de Méditerranée, contenant davantage de vapeur d'eau, a présenté un potentiel d'eau précipitable plus important qu'attendu. Dans le contexte du changement climatique, il n'est pas exclu que ces situations soient encore mal appréhendées par les modèles météo.
L'arrivée d'un front froid par l'Aquitaine jeudi : progressant vers les Cévennes, ce front froid a provoqué un forçage* accroissant l'instabilité avec de violents orages qui ont provoqué des intensités horaires très importantes. Dans ce contexte, les cumuls ont augmenté rapidement pendant des heures. C'est cette perspective qui a justifié le passage en alerte rouge des Alpes-Maritimes, en raison des sols déjà saturés, et des nouveaux cumuls attendus. Le potentiel d'inondations historiques était présent.
Cet évènement figure donc parmi les plus intenses de ces 20 dernières années. Des précédents existent, tels 2002, 2008, 2001 et 2014, où des épisodes meurtriers s'étaient produits entre l'Aude et les Cévennes, pas forcément sur les mêmes départements qu'aujourd'hui, mais dans des contextes similaires. Les valeurs que l'on mesure cette fois, avec jusqu'à 800 mm localement sur les hauteurs cévenoles, s'inscrivent donc dans cette liste d'épisodes exceptionnels.
* Dans cette situation, le terme "forçage" fait référence à la façon dont la topographie a influencé les conditions météorologiques. Lorsque des masses d'air rencontrent une montagne, elles sont forcées de s'élever. Ce soulèvement entraîne une diminution de la pression et une baisse de température, ce qui peut provoquer la condensation de l'humidité et donc des précipitations.