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Climat 2015, année la plus chaude : peut-on y croire ?

Regis CREPET

Par Regis CREPET, météorologue
mis à jour le

En juillet dernier, la NOAA américaine avait communiqué le bilan climatique planétaire des 7 premiers mois de cette année 2015 : ils seraient les plus chauds jamais enregistrés depuis le début des relevés contemporains en 1880. Et en ce mois de novembre, le MetOffice britannique communique déjà une valeur planétaire qui ferait de 2015 l'année la plus chaude. Décryptage de La Chaîne Météo, avec notre spécialiste du climat Régis Crépet.

Les chiffres sont tombés : c'était prévisible, les 7 premiers mois de cette année 2015 seraient les plus chauds jamais enregistrés depuis le début des relevés officiels en 1880, au niveau planétaire. Le mois de juillet serait aussi le plus chaud jamais enregistrés depuis les relevés, ce qui en ferait le mois le plus chaud de l'époque contemporaine.

Et en ce mois de novembre, le MetOffice britannique communique d'ores-et-déjà le chiffre de +1,02° de hausse depuis la fin du 19ème siècle, dépassant la valeur de +0,8° admise jusqu'à présent.

Un contexte planétaire très chaud

Dans un contexte de réchauffement climatique incontestable depuis le début du 20ème siècle, les années les plus chaudes se concentrent principalement dans l'actuelle décennie. D'autre part, la chaleur de cette année 2015 est dopée par le phénomène océanique "El Nino" dans l'océan Pacifique : on sait, à ce sujet, que les années "El Nino" sont plus chaudes, telle l'année 1998, elle aussi dans les records d'années chaudes, qui correspondait au dernier "grand El Nino" historique.

Ainsi, l'année 2015 présente un excédent thermique de +0,85°C à ce jour (par rapport à la moyenne du 20 ème siècle), tandis que le mois de juillet est plus chaud de 0,81°C par rapport à la moyenne des mois de juillet (1).

En raison de la persistance d'El Nino jusqu'au printemps prochain, on peut raisonnablement penser que le bilan à la fin de l'année sera sans appel : 2015 sera probablement l'année la plus chaude depuis 1880 (début des relevés modernes), après le précédent record de 2014.

Des nuances à apporter

Cela dit, il ne faudrait pas prendre ces chiffres au pied de la lettre et pour argent comptant : non seulement les méthodes de mesures ont changé depuis 1880, mais il y a aussi quelques nuances que l'on s'interdit d'évoquer à quelques mois de la conférence sur le climat qui se tiendra à Paris en décembre prochain : la COP 21. A cet égard, les chiffres communiqués tombent à point nommé.

Depuis le mois de juin, les cartes de la NOAA américaine, dont nous publions ici les données pour ce fameux mois de juillet, laissent apparaître des zones "grisées", qui sont des zones où les mesures sont absentes: par définition, ces données absentes faussent les moyennes : elles couvrent les zones arctiques, la Sibérie, l'Antarctique et quelques régions africaines. La moyenne mondiale a donc été obtenue par extrapolation (2).

D'autre part, n'oublions pas d'indiquer que l'hémisphère sud a connu un hiver assez froid, notamment en Antarctique et en Australie : selon nos sources, accréditées par le BOM (Bureau Météorologique Australien), l'hiver du sud-est australien serait l'un des plus froids depuis plus d'un siècle, alors que la NOAA abouti à une couleur "rose" ou neutre, ce qui masque l'anomalie froide. On peut donc légitimement se demander à quel point ce mois de juillet est réellement le plus chaud des temps contemporain (3).

Des méthodes de mesure qui ont changé

De même, la méthode des relevés météo à bien changé depuis le début des relevés officiels en 1880, c'est à dire à l'époque pré-industrielle. On utilisait alors presqu'exclusivement des relevés issus des stations météo urbaines et terrestres, essentiellement dans l'hémisphère nord. Après la seconde guerre mondiale, les navires météo ont apporté davantage de données mais les océans sont restés longtemps peu couverts par le maillage d'observation, sans parler du Groenland et de l'Antarctique.

Depuis les années 1980, la méthode de mesure a radicalement changé au profit de l'altimétrie, c'est à dire la mesure des températures de la surface terrestre et océanique depuis les satellites. Cette méthode devenait plus globale, gommant les effets urbains (en effet, les stations météo ont été progressivement incorporées dans le tissu des grandes villes, apportant un réchauffement par effet d'ilot de chaleur). L'altimétrie fut une révolution dans la mesure des températures planétaires, mais on conçoit qu'il est difficile de comparer ces méthodes modernes à celles antérieures, malgré les procédés de réanalyse et de modélisation.

Des variations climatiques naturelles habituelles

Ainsi, certains médias n'ont pas hésité à dire que ce mois de juillet 2015 serait "le plus chaud depuis 135 ans, voire depuis 4000 ans" (citation), alors que des mesures par satellites indiqueraient seulement une anomalie globale de +0,4°C (soit autant que l'année passée). (mesures UAH et RSS). La reconstitution du climat planétaire des derniers millénaires indique que les 3000 dernières années ont été globalement plus chaudes qu'actuellement (avec des pics il y a 1000 ans, 2000 ans et 3500 ans), avec des périodes froids tel le "Petit age glaciaire" entre le 17ème et le 19ème siècle (4).

Indiquons aussi que, de la même façon, la méthode de mesure du taux de concentration du CO² dans l'atmosphère a radicalement changé dans les années 1950, induisant probablement une marge d'erreur non négligeable lorsqu'on annonce que ce taux n'a jamais été aussi important qu'à l'heure actuelle (5). Selon certaines études, le taux de dioxyde de carbone dans l'atmosphère aurait connu des pics similaires au 19ème siècle et en 1942 par exemple.

Nos infographies : carte d'anomalies de température pour le mois de juillet 2015 (NOAA) sur laquelle nous attirons l'attention sur le cas de l'Australie.

- Carte des principaux événements météorologiques survenus en juillet.

- Photo satellite MODIS : la glace s'est maintenue en baie d'Hudson (nord du Canada), ce qui n'était plus arrivé depuis plusieurs décennies).

Notes :

(1) - NOAA - 20 aout 2015.

(2) - In Realsciences

(3) - Bureau Of Meteorology

(4) - Université Western Washington

(5) - Heaven and Earth : global warming, the missing science

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