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Crash aérien : comment la météo peut faire tomber un avion ?

Regis CREPET

Par Regis CREPET, météorologue
mis à jour le

Alors que la catastrophe de l'Airbus A320 dans les Alpes ne semble pas avoir de cause d'ordre météorologique, La Chaîne Météo a passé au crible les conditions climatiques qui peuvent conduire à des drames similaires : on s'aperçoit que la météo est responsable d'environ 13% des catastrophes aériennes. L'enquête.

Alors que le crash de l'Airbus A320 dans les Alpes suscite toujours de grandes interrogations, les causes d'ordre météorologiques ont rapidement été écartées.

Cependant, les dangers météorologiques sont bien réels pour l'aviation : ils représenteraient environ 13% des causes d'accidents aériens. Mais il faut relativiser : tous les accidents liés à la météo n'aboutissent pas obligatoirement à une catastrophe de grande ampleur : dans la plupart des cas, il s'agit d'incidents au moment du décollage ou de l'atterrissage, principalement liés au brouillard ou à des pistes verglacées, occasionnant alors une grande frayeur aux membres d'équipage et aux passagers. Ainsi, un Airbus A340 a fait une sortie de piste remarquable le 2 août 2005 en atterrissant à Toronto en plein orage de grêle avec des rafales descendantes très subites : les 297 passagers et 12 membres d'équipage s'en sont sortis sans blessures graves.Si l'avion reste le moyen de transport le plus sûr au monde, les accidents existent et la météo fait partie des facteurs de risque. Les pilotes sont formés pour les appréhender, mais dans certaines conditions extrêmes, une concordance de plusieurs facteurs peut mettre en péril l'appareil. Il faut savoir que les pilotes reçoivent un bulletin météo au moment du départ, mais qu'une fois en vol, les radars ne permettent pas de voir loin à l'avance des cellules orageuses (moins de 200 km) ni d'anticiper de brusques variations de vent (turbulences).

Les principaux dangers météo pour l'aviation :

© La Chaîne Météo

- Le brouillard :

Bien que les avions n'aient pas besoin de visibilité en vol, le brouillard au sol constitue une gêne, voire un danger réel, lors des atterrissages et des décollages. On parle de brouillard lorsque la visibilité est inférieure à 1000 m. Les avions et les aéroports sont équipés de la technologie la plus performante pour voler en toute sécurité par mauvaise visibilité ( ce que l'on appelle IFR, Instrument Flight Rules). Le brouillard a malgré tout un impact sur le trafic aérien, même dans les aéroports les plus modernes. Par visibilité normale, les avions respectent entre eux une distance d'environ 5 milles tant au décollage qu'à l'atterrissage. Dans un brouillard épais, cette séparation entre deux avions est d'environ 8 milles. Aux heures de pointes, ou lorsque la mauvaise visibilité persiste longtemps, cette distance accrue peut entraîner de légers retards, voire même des déroutes vers d'autres aéroports.

- La foudre :

© La Chaîne Météo

De grandes lignes aériennes doivent traverser la zone Inter Tropicale de Convergence : zone réputée pour ses cumulonimbus à fort développement vertical, c'est à dire aux orages extrêmement violents. Les pilotes assignés à cette ligne sont aguerris et spécialement avertis pour éviter les orages. Ils font parfois des détours de 150km pour les contourner. Les réserves de carburant sont prévues pour cela. Les accidents liés à la présence d’orage sont extrêmement rares : tous les avions sont en moyenne touchés par la foudre toutes les 1500 heures, 1 à 2 fois par an, dans 95% des cas c’est l’appareil lui-même qui déclenche la décharge.

Très rarement, le foudroiement peut avoir des conséquences sur l’appareillage, plus particulièrement sur la tête de l’avion, là où les radars et tous les systèmes électriques majeurs sont installés. De même, il arrive que « l’horizon artificiel » soit modifié à cause du champ magnétique. En tentant de remettre droit son avion, le pilote, induit en erreur, peut alors produire l’effet inverse. Cependant, une panne électrique est exceptionnelle. Pour Stéphane Mourareau, mécanicien à l’Armée de l’air, « c’est extrêmement rare, car tous les systèmes électriques à l’intérieur de l’avion, sont comme dans une cage de Faraday, totalement protégés et inaccessibles par la foudre. L’avion est conçu de telle manière que toutes les décharges électriques sont normalement évacuées vers l’extérieur. » De plus, « il y a toujours une chaîne de secours : les systèmes électriques sont tous doublés. Il faut que l’éclair soit vraiment très important pour contrer les systèmes de sécurité d’un avion aussi récent. Si la foudre provoque une panne du moteur, dans ce cas-là c’est dramatique. » En février 2014, un vol Béziers-Paris Orly de la compagnie Airlinair avait été frappé par la foudre et la cabine des passagers avait alors subi une dépressurisation. L’avion avait été contraint d’atterrir en urgence à Clermont-Ferrand heureusement sans conséquence.

- Le givrage :

Le givrage est l'un des plus grands dangers pour l'aviation. Le givre se forme à proximité des fronts chauds et des fronts froids, ainsi que dans les nuages d'orage. Les orages de la zone de convergence Inter-Tropicale se forment à partir de cumulonimbus, larges nuages sombres dont le sommet est composé de cristaux de glace. Par définition le givre est un dépôt de glace provenant de la congélation de gouttelettes de brouillard ou de nuages en surfusion (dont la température est négative) sur des objets dont la surface est à une température inférieure à 0°C. Le givre ne se forme donc pas à la suite d’une précipitation, il se dépose sur des objets exposés au vent. De plus, la vitesse de l’avion crée un vent apparent très fort qui accentue sa formation. Le plus souvent c’est en 0 et –15° que l’on observe les givrages les plus importants. Mais il a pu être observé dans des conditions extrêmes de l’ordre de –40°C.

Le givrage se présente sous la forme d’un dépôt de glace friable ou dure, opaque ou transparente qui adhère à certaines parties de l'avion. Il se dépose surtout sur les parties exposées au vent : sur les bords d’attaque des ailes, sur les tubes d’antenne, sur les bords des entrées d’air…etc. Tous les avions récents sont équipés de dégivrage automatique. - Le givre peut s'accumuler sur les ailes et nuire à l'aérodynamisme, jusqu'à provoquer le « décrochage » de l’appareil, c'est à dire la chute de l'avion.

- Il peut obscurcir la verrière et ainsi réduire la visibilité.

- Il peut aussi diminuer la puissance des réacteurs s’il s’accumule sur les entrées d’air.

- L’ingestion de glace se détachant des entrées d’air peut exceptionnellement déclencher l’extinction des moteurs. Cependant, des systèmes de protection de dégivrage et antigivrage sont activés lorsque l’avion pénètre dans un nuage givrant.

- Le givrage peut aussi gainer les antennes et nuire aux transmissions et à la navigation. Cependant, cet effet est rarissime dans les avions récents possédant un système de sécurité hyper perfectionné.

- Les turbulences :

© La Chaîne Météo

Les cumulonimbus présents dans la zone inter-tropicale produisent des turbulences à l’origine des fronts de rafales : ceux-ci impliquent de fortes variations de la vitesse du vent qui peut perturber la trajectoire de l’appareil.

Ces mêmes nuages sont également à l’origine de « downburst », des courants ascendants violents qui peuvent brusquement modifier la trajectoire de l’avion.

Les turbulences en air clair sont les plus difficiles à détecter pour les pilotes. Celles-ci désignent les turbulences rencontrées en haute atmosphère qui produisent un « cisaillement » du vent très important : ces fortes variations de vitesse du vent sont impossibles à détecter à l’œil nu.

La plupart du temps, elles n’ont pour effet que de légères blessures sur les membres de l’équipage surpris par ces mouvements brusques de l’appareil. Des conséquences plus dramatiques sont exceptionnelles mais néanmoins pas impossibles : en 1966, un vol BOAC 911 s’est brisé en vol au dessus du Japon à la suite de turbulences inattendues.

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