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Ouragan Dorian : le deuxième plus puissant en Atlantique

Regis CREPET

Par Regis CREPET, météorologue
mis à jour le

Dans le contexte d'une saison cyclonique peu active, l'ouragan Dorian restera dans les annales de la météorologie comme l'un des plus puissants survenus en Atlantique. Mais on retiendra surtout le cataclysme qu'il a provoqué sur les Bahamas, en rasant littéralement certaines îles du nord de l'archipel. Le bilan humain et matériel de Dorian est très lourd. Retour sur le deuxième ouragan le plus puissant ayant sévi en Atlantique.

La saison des ouragans s'étend statistiquement du 1er juin au 30 novembre en Atlantique Nord. Cette année 2019 avait débuté très poussivement, avec seulement 1 ouragan : il s'agissait de Barry, le 13 juillet, touchant alors la Louisiane. Et pourtant, l'ouragan Dorian, de formation explosive, est devenu désormais l'un des plus puissants à s'être produit dans l'océan Atlantique.

© La Chaîne Météo

Une année cyclonique de faible activité

Dorian s’inscrit dans une saison 2019 des ouragans peu active. La saison des ouragans 2019 est restée très calme avec seulement 2 phénomènes avant Dorian : la tempête tropicale Andrea, formée précocement en mai, puis l'ouragan Barry, de catégorie 1/5, le 13 juillet. Cela s'inscrit d'ailleurs dans une décennie peu active en terme de nombre de phénomènes, mais marquée par des ouragans destructeurs : on se souvient de Florence et de Michael en 2018, et bien sûr de Harvey, Irma et Maria en 2017.

De l’onde tropicale à la tempête tropicale Dorian

Avant d’être un cyclone, l'onde tropicale à l'origine de Dorian se déploie à partir de la côte ouest africaine et devient une dépression tropicale en parcourant la zone tropicale de l’océan Atlantique le 23 août. Cette dépression est nommée Dorian le 24 août quand elle atteint le stade de tempête tropicale.

Dorian s'abat sur la Martinique et les îles Vierges

Le 27 août, la tempête tropicale Dorian frappe la Martinique. Les cumuls de pluie atteignent 102 mm, provoquant des inondations. 10 à 15 jours de pluies s’abattent en quelques heures à Rivière-Pilote où des crues éclairs se produisent. Les rafales de vent frôlent les 100 km/h. Il était prévu une intensification de Dorian, qui devait atteindre la catégorie 1/5 en se dirigeant vers Porto Rico.

© La Chaîne Météo

Finalement, Dorian n'atteint pas le stade d'ouragan en passant au sud-est de Porto Rico, provoquant de fortes pluies et des rafales de vent proches de 100 km/h, comme en Martinique.

Le 28 août, Dorian devient un ouragan de catégorie 1 sur l'échelle internationale de Saffir Simpson qui compte 5 niveaux, avec des rafales de 120 à 130 km/h, et des pointes de 160 km/h en passant sur l’île de Saint-Thomas dans les îles Vierges des Etats-Unis. En montagne, une rafale à 178 km/h a été mesurée. Dorian cause alors sa première victime.

Dorian, premier ouragan majeur de la saison 2019 en Atlantique

L'alimentation d'un cyclone repose en grande partie sur la chaleur des eaux et l'humidité. Libéré de la contrainte de l’air sec qu'il a rencontré aux abords de Porto Rico, l’ouragan Dorian gagne en puissance au contact des températures élevées de la mer des Caraïbes (entre 29 et 30°C) et une faible variation des vents en altitude.

Le 30 août, Dorian atteint la catégorie 3 sur l'échelle de Saffir Simpson qui compte 5 niveaux, avec des vents moyens de 185 km/h et des rafales atteignants 250 km/h. Il devient le premier ouragan majeur de la saison 2019 de l’Atlantique nord.

Dorian se dirige vers le nord-ouest des Bahamas sur des eaux toujours aussi chaudes et sans contrainte atmosphérique. Il s’intensifie alors de façon explosive avec un passage en catégorie 4/5 le samedi 31 août et en catégorie 5/5 le dimanche 1er septembre. Il ne se trouve plus qu’à 55 kilomètres de Great Abaco et ses vents atteignent alors 260 km/h en moyenne.

Des rafales à 360 km/h et une onde de tempête de 5 à 9 mètres

L’ouragan Dorian touche terre à Marsh Harbour sur l'île de Great Abaco le dimanche 1er septembre à 16h40 UTC avec des valeurs jamais vues pour l’archipel. Sa pression est l’une des plus basses enregistrées depuis 1980 avec 910 hPa. Les vents atteignent 295 km/h et les rafales près de 360 km/h, soit 40 km/h de plus que la vitesse de croisière d’un TGV.

L’onde de tempête, c’est-à-dire le niveau de la mer qui augmente à cause des vents de l’ouragan et de la faible pression en son coeur, atteint les 5 à 9 mètres alors que l’île est située seulement à 12 mètres au-dessus du niveau de la mer. D'autre part, à ce moment-là, la période de grandes marées participe à une élévation supplémentaire de la mer, dont les plus hautes vagues dépassent 10 mètres. Des submersions importantes se produisent sur les parties septentrionales de Great Abaco à Grand Bahama et les pluies diluviennes aggravent une situation déjà catastrophique.

© La Chaîne Météo

Ces caractéristiques font de Dorian le plus puissant à toucher le nord-ouest des Bahamas. C’est aussi le second ouragan le plus puissant dans l’Atlantique avec des vents moyens estimés à 295 km/h, ex-aequo avec Wilma (2005), Gilbert (1988) et l'ouragan du "Labor Day" en 1935. Seul l’ouragan Allen en 1980 a été plus puissant avec des vents moyens estimés à 305 km/h.

Une situation catastrophique pour Grand Bahama

La situation se dégrade encore plus lorsque Dorian, en catégorie 5, fait presque du surplace sur Grand Bahama pendant 27 heures, se déplaçant entre 2 et 6 km/h. L’ouragan se déchaîne en catégorie 5 pendant tout ce temps. En 24 heures, 760 mm de pluies tombent, l’équivalent de 6 mois de pluies pour l’île. Les rafales de vent atteignent 360 km/h. Le "scénario du pire" s'est mis en place sur l'île d'Abaco et de Gran Bahama, qui subit le passage de l'oeil : concrêtement, cela se traduit par deux passages cycloniques entrecoupés d'un calme éphémère au milieu de l'oeil.

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Des inondations massives se sont produites sur les îles Abacos et Grand Bahama. 13 000 habitations ont été endommagées ou détruites selon la Croix Rouge. Le premier ministre parle d’une tragédie historique. Au final, le bilan humain était estimé à une cinquantaine de morts pour les Bahamas.

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Dorian longe les côtes de Floride et remonte en Caroline du Nord

La crainte des américains était que l'ouragan puisse frapper la Floride, en état d'alerte. Les dernières modélisations numériques ont fait état d'une bifurcation in extremis de Dorian vers le nord, permettant d'éviter la Floride : et c'est finalement ce qui s'est produit. Le mur de l'oeil de l'ouragan est passé à environ 100 à 150 km de la côte continentale, remontant vers la Caroline du Sud et la Caroline du Nord entre le 4 et le 6 setptembre. Rétrogradé en catégorie 2 après son acharnement sur les Bahamas, il retrouve de la vigueur temporairement en catégorie 3/5. Les conséquences à la côte sont importantes mais pas dramatiques : la houle cyclonique, conjuguée à de forts coefficients de marée, inonde les stations balnéaires des Caroline. Des villes déjà touchées l'année précédente par l'ouragan Florence sont à nouveau inondées (Charleston en particulier). Les rafales de vent atteignent 120 km/h et la surcote est comprise entre 1 et 2 m. L'ouragan touche terre au niveau du Cape Lookout (Caroline du Nord), avant de repartir au large vers le nord-est.

Les provinces maritimes du Québec fortement touchées

Il n'est pas rare qu'un ouragan remonte jusqu'au Québec, généralement vers les provinces maritimes. La Nouvelle-Ecosse s'est trouvée, conformément aux prévisions, sur la trajectoire de Dorian, toujours en catégorie 1/5. Il a connu une phase de renforcement tempétueux en raison d'un conflit de masses d'air au-dessus du Québec. L'impact a été très important, avec des rafales de vent atteignant 141 km/h à Halifax. Les vagues ont atteint 12 à 15 m au large des Grands Bancs et de Terre-Neuve, tandis que les pluies torrentielles ont déversé des cumuls de 80 à 150 mm sur les Maritimes.

L'ex Dorian, évoluant en dépression des latitudes tempérées, a évolué ensuite sur l'embouchure du fleuve Saint Laurent, avec des rafales atteignant encore 100 à 120 km/h.

Atténuation du phénomène vers l'Islande

En passant sur Terre-Neuve et Saint-Pierre-et-Miquelon, les rafales atteignent 100 à 110 km/h avec des pointes à 150 km/h sur la côte ouest. Des vagues de 30 m auraient été estimées au large de Terre-Neuve. Ayant entamé sa transition entre une tempête extra tropicale et une dépression des latitudes tempérées, Dorian se dirige vers le sud du Groenland et l'Islande. Circulant sur des eaux à 10°C, il perd rapidement en puissance. Il arrive en Islande sous forme d'une dépression très habituelle, à 980 hPa.

En conclusion, Dorian figure désormais parmi les 3 ouragans (ex aequo) les plus puissants mesurés dans l'Atlantique nord. Il est, à égalité, le plus puissant à avoir touché terre en Atlantique (avec l'ouragan du Labor Day, au sud de la Floride, en 1935). On retiendra son renforcement explosif en catégorie maximale 5/5 en arrivant sur les Bahamas, qui ont connu le pire scénario. Ce caractère assez isolé mais extrêmement violent, au sein d'une saison peu active, est peut-être un aspect nouveau lié au réchauffement climatique, où les cyclones seraient moins nombreux mais plus intenses.

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